Une vision réductrice du présent et de l’avenir

D’abord, les savoirs fondamentaux se résument à 3 verbes : lire, écrire, compter. On remarquera que l’oral ne figure pas dans cette liste et lorsque il est évoqué, il ne l’est que sous l’ordre d’une priorité à la marge des autres ; la place qui lui est réservée dans cette note de service est bien maigre (voir ci-dessous).

Au contraire, une place de choix est réservée à la dégradation du niveau en orthographe des élèves de CM2, comme si l’orthographe était l’alpha et l’oméga de la maîtrise de la langue en français, et la réussite en dictée l’objectif principal de la scolarité. On ne peut que regretter l’instrumentalisation des résultats de cette évaluation en orthographe pour justifier le rétrécissement des ambitions pour nos élèves.

Des réponses floues et inadaptées aux difficultés

Ainsi au collège, l’un des remèdes proposés est que « toutes les disciplines contribuent au travail sur la lecture et l’écriture ». On s’interrogera à juste titre sur le sens de cette injonction. Il va pourtant de soi que tou·tes les professeur·es, quelle que soit la discipline qu’ils et elles enseignent font lire et écrire mais cela sous-entend-il qu’on les incite à corriger les fautes d’orthographe, à les pénaliser ? Ou leur demande-t-on encore plus, à savoir un travail en profondeur de l’ensemble des compétences de maîtrise de la langue et notamment la syntaxe, la ponctuation, la cohérence textuelle, et ce sans horaire augmenté, et surtout sans formation universitaire ? On notera au passage que l’utilisation de l’oral pour l’apprentissage de la langue a disparu des radars.

Autre remède miracle : le test de fluence. Or, le chronométrage de l’exercice entre en contradiction flagrante avec l’objectif affiché, à savoir que « par leur lecture, les élèves rendent compte de la ponctuation, respectent le rythme des groupes syntaxiques, varient leur intonation et le rythme ». De toute façon, il n’est pas certain qu’une lecture orale fluide soit gage d’accès au sens d’un texte.

Le remède à la mode : le quart d’heure lecture. Ce dispositif est diversement apprécié des collègues et ne fait pas toujours la preuve de sa pertinence, notamment quand la hiérarchie se pique de s’en mêler. Il est incontestable que le quart d’heure lecture ait pu donner satisfaction auprès de collègues et d’élèves quand ensemble ils se sont appropriés la démarche. Cependant, désormais, dans nombre de cas, le dispositif s’est imposé de façon hiérarchique auprès de collègues engagés dans d’autres démarches et d’élèves ne comprenant pas cette injonction pour le moins surprenante : « Silence et lis ! »

Dernier remède proposé : le prêt d’ouvrages aux élèves. Celui-ci se fait déjà dans tous les établissements scolaires, principalement par l’intermédiaire du CDI.

En somme, tout se fait sans moyen supplémentaire et les mesurettes avancées risquent d’avoir une efficacité très limitée.

Des truismes exaspérants

Ensuite, la note de service s’appuie sur l’enquête PIRLS qui constate un niveau de compréhension de l’écrit inférieur à la moyenne européenne pour les élèves de CM1. Les recommandations sont là encore bien minces face à l’ampleur du problème et consistent à prescrire ce qui se fait déjà.

Ainsi, il s’agira de lire au moins deux fois par semaine un texte d’au moins 1000 mots (cela équivaut à un texte de deux pages) et de mettre en œuvre un apprentissage du vocabulaire. Une fois de plus, toutes les disciplines sont mises à contribution. La note de service enfonce ensuite une série de portes ouvertes puisqu’on apprend que, pour travailler la compréhension de l’écrit, il faut « faire comprendre aux élèves comment dégager les idées principales du texte, explicites ou implicites, déterminer la perspective ou les intentions de l’auteur, extraire des informations pertinentes, procéder à des mises en relation dans les textes composites », c’est-à-dire mettre en pratique les objectifs basiques des programmes en français.

Concernant l’écriture, la première des recommandations consiste à pratiquer l’écriture manuscrite quotidiennement, c’est-à-dire limiter autant que possible les photocopies, surtout les textes à trous.

La recommandation suivante diffère des programmes. « À la fin du CM2, les élèves doivent pouvoir rédiger un texte de 15 lignes en respectant les règles orthographiques, syntaxiques, lexicales et de présentation. En 6e, la production de textes de 20 lignes au moins est attendue. À cette fin, chaque semaine, les élèves doivent produire au moins un texte répondant à ces critères, toutes disciplines confondues ».

Ainsi, cet objectif est réduit en longueur par rapport aux programmes officiels mais paraît démesurément ambitieux pour la qualité de la langue écrite. En effet, selon les programmes, on espère, en fin de cycle, « après révision, obtenir un texte organisé et cohérent » « d’une à deux pages », « à la graphie lisible et respectant les régularités orthographiques étudiées au cours du cycle ». Notons que deux indications cadrent les attentes, tenant compte du fait que les élèves sont en apprentissage : « après révision », ce qui sous-entend qu’un travail du brouillon doit avoir lieu et « étudiées au cours du cycle ». Mais la note de service n’apporte pas de précision supplémentaire. Faut-il organiser un roulement entre les disciplines dans l’équipe pédagogique pour qu’au moins un texte répondant aux critères mentionnés soit produit chaque semaine ? Ou l’injonction ne concerne-t-elle que les professeurs de français, ce qui grèvera de façon importante le temps d’enseignement hebdomadaire ?

En outre, la note de service prévoit des exercices de grammaire et de conjugaison et une pratique quotidienne de la dictée. On en reste à des recettes déjà mises en place depuis des années, et ce dès l’école primaire, recettes qui sont loin d’avoir fait preuve d’efficacité.

Mais c’est pour l’oral, auquel la note consacre tout juste 6 lignes, que les recommandations sont les plus légères puisqu’il n’y en a qu’une, et d’une imprécision incroyable : « les élèves doivent disposer d’au moins un temps hebdomadaire chacun pour prendre la parole, seul ou en groupe, notamment autour de textes littéraires ». « Un temps » de quelques secondes ? Quelques minutes ? Sans compter que ce temps est à dégager sur une durée de cours qui n’est pas augmentée.

Les recommandations de cette note peuvent laisser croire que ces pratiques ne sont pas déjà mises en œuvre, dans les classes, par les professeur·es. Hormis pour les dédoublements en grande section, CP et CE1 en éducation prioritaire, jamais il n’est question de réduire le nombre d’élèves pour que ces modalités de travail et d’apprentissage gagnent en efficacité dans la lutte contre les difficultés scolaires et les inégalités !

Au bout du compte, les enseignants vont disposer d’une note de service qui est loin d’être à la hauteur des enjeux de démocratisation des savoirs et d’amélioration des savoir-faire des élèves (voir l’article « La Nouvelle Sixième, des vessies pour des lanternes?). On déplorera un manque d’ambition qui n’engage aucun moyen et se fonde sur des évidences pédagogiques.

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