Fausse bonne idée n°1:

Entendons, favoriser l’entrée dès la classe de 5ème des fédérations ou branches professionnelles, des groupes d’intérêts privés venus faire la promotion de tels ou tels métiers. Cette manipulation déguisée aurait pour conséquence de rabattre les ambitions scolaires des élèves les plus fragiles aux seuls besoins économiques du territoire, occultant volontairement les questions du développement à l’adolescence, des biais sociaux ou de genre. De plus, cela participe activement à la marchandisation de l’information pour l’orientation, orchestrée par les régions avec la caution du ministère.

Les propos tenus par le président Macron lors d’une visite à Fouras (31 mars) en réponse à un restaurateur ne trouvant pas de personnels, laissent à penser qu’une orientation précoce vers l’apprentissage dès la classe de 5ème pourrait remédier au problème de recrutement des entreprises: « On a besoin de faire mieux connaitre ces métiers. Donc alternance, apprentissage et orientation dès la 5ème pour faire connaitre ces métiers« . Cela fait fortement penser à l’« apprentissage junior »[1], instituée comme recette-miracle.

Quelle innovation !

Jean-Paul Delahaye, ex Dgesco, a réagi sur Twitter : « L’apprentissage junior déjà tenté en 2005 pour casser le collège unique et orienter précocement les enfants des milieux populaires a été un lamentable échec » et rappelle que « Ceux qui le proposent à nouveau savent que ça ne concernerait pas leur enfants« .

Fausse bonne idée n°2:

Faut-il rappeler que 36% des contrats en alternance sont rompus chez les mineurs par les entreprises, alors même qu’elles choisissent leurs apprenti·es, alors même que le taux de décrochage en lycée professionnel est de 12%. Le recours à l’apprentissage, où toutes les discriminations existent, n’est donc pas la solution pour les élèves les plus jeunes et les plus fragiles, bon nombre n’ayant ni le recul, ni la maturité nécessaire.  En outre, il ne faut  pas oublier que l’apprentissage est très discriminant en fonction des critères de genre et d’origine ethnique ! De plus, le taux d’accès au diplôme est supérieur de 10% dans la voie scolaire alors que les élèves ne sont pas choisis par les établissements. On peut partager la crainte de S. Gérardin, co-secrétaire du SNUEP, quant à l’avenir de la voie professionnelle qui risquerait fortement de passer sous la tutelle du ministère du travail.

Proposer d’augmenter la période de stage de 50% risque de se faire au détriment des enseignements généraux et professionnels, prodigués en lycée. Cela reviendrait à rabattre la formation aux seuls savoir-faire, aux gestes du métier dans contexte professionnel particulier, creusant l’écart entre ceux qui sont autoriser à avoir des aspirations des poursuites d’études et les autres, notamment les jeunes de famille populaire contraints à l’insertion professionnelle.

L’enseignement professionnel répondrait exclusivement à une logique adéquationniste avec l’emploi local à court terme comme la formule du président le laisse à penser : « …il faut mettre les débouchés professionnels, les entreprises au cœur du projet… »

© EVDZ 2022

Fausse bonne idée n°3:

Rendre Parcoursup plus transparent quant à ses algorithmes serait déjà un commencement ! La prévisibilité est un leurre, puisque chaque année la cohorte de candidat·es varie tant par la diversité des profils que par celle des demandes.

Une étude de 2020 de Leila Frouillou, Clément Pin et Agnès van Zanten [2] montre à quel point la « logique marchande » dans l’orientation des lycéens est importante. En premier lieu, des organismes privés à but clairement lucratif, exploitent l’angoisse des jeunes et de leurs parents, et se positionnent sur le coaching post bac, notamment en leur apportant une prétendue aide, mais néanmoins payante, à la rédaction de projet motivé. Par ailleurs, nombreuses sont les familles, mêmes modestes, qui ont recours aux formations privées comme alternative pour échapper au rouleau compresseur de cette logique de tri à l’entrée du supérieur.

Et, rendre prévisible ce système inégalitaire au plus haut point, ne reviendrait-il pas accentuer encore davantage les biais sociaux et l’auto-censure des plus anxieux·ses et des moins familiers de l’enseignement supérieur ?

Leila Frouillou, Clément Pin et Agnès van Zanten précisent également que les études sur l’orientation active indiquent clairement que les jeunes issus des milieux populaires sont plus sensibles aux évaluations négatives de leurs dossiers et que, de façon générale, ils reculent davantage devant les obstacles en limitant leurs choix.

Fausse bonne idée n°4:

Lorsque le candidat-président parle d’ouvrir toutes les places nécessaires, il faut en déduire sa conception uniquement adéquationniste et utilitariste de l’École. Ouvrir des places dans les filières professionnelles courtes et « réguler les filières », où il n’y aurait pas de besoins ! Chacun sait que la France regorge de médecins et d’ingénieurs-es !

Rappelons que la plateforme de Parcoursup a été créée et transformée afin de gérer les flux d’étudiant·es et d’organiser la répartition de la pénurie alors même que l’on constatait une augmentation démographique des lycéen·nes. On peut décemment s’interroger sur ce qui a empêché monsieur Macron d’ouvrir « toutes les places nécessaires dans le supérieur » pendant la mandature précédente ?

Peut-être parce que cela ne correspondait pas aux besoins de la Nation !


[1]  Décret du 30 juin 2006 abrogé par le décret du 26 aout 2013

[2] « L’Année sociologique » n°2020/2 (Vol. 70 – p. 337-363)


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