Depuis 8 mois, le candidat Macron, le président Macron et le ministre de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye, multiplient les déclarations sur le pacte. Provocations, confusions, rétropédalage….mais un point commun : le pacte n’est pas un outil de la revalorisation, mais un instrument du « travailler plus pour gagner plus », un outil de division et de mise en concurrence des personnels, avec, en toile de fond une remise en cause de nos métiers et de nos statuts. Il est aussi un redoutable outil d’aggravation des inégalités femmes/hommes. Le SNES-FSU exige une revalorisation pour toutes et tous, début, milieux et fin de carrière, sans contreparties.

Retrouvez dans cet article toutes les déclarations présidentielles et ministérielles, leur analyse et les exigences du SNES-FSU pour nos salaires (voir aussi le compte-rendu de la première réunion sur la partie socle « sans conditions »)

8 mois de déclarations provocatrices

Épisode 1 : ces professeurs qui ne font pas d’efforts

Lors de la présentation de son programme, le candidat Emmanuel Macron juge « difficile de dire qu’on va mieux payer tout le monde, y compris ceux qui ne sont pas prêts à s’engager et à faire plus d’efforts », répétant ici ou là ne pas croire en une « revalorisation homogène de tous les enseignants ». Il esquisse ainsi pour la première fois la logique du pacte.
Le SNES-FSU pointe « ce président-candidat qui ne fait aucun effort et dénonce le dénigrement systématique d’une profession qui a été au rendez-vous de la crise » (rappelant par exemple au président-candidat Macron que pendant que son ministre de l’Éducation nationale était à Ibiza, les professeurs, CPE, psyEN, AED et AESH préparaient, seuls, la rentrée sous Omicron.)

Épisode 2 : « le minimum syndical »

Le 6 avril, le candidat Macron persiste et signe avec des déclarations provocatrices.

Il y a bien sûr la fumeuse stratégie de com’ visant à utiliser une expression anti-syndicats pour les discréditer dans le storytelling d’En marche, à base de startup nation. Mais il y a surtout cette volonté de monter les enseignant-es les un-es contre les autres en développant l’idée que c’est par la concurrence entre les personnels que l’Education nationale sera sauvée. Un réflexe malsain alors que la dimension collective de nos métiers et primordiale et bien malmenée depuis de nombreuses années. Qui est responsable des situations dégradées d’enseignement qui empêchent les personnels de faire leur travail ? D’abord l’institution, incapable de donner les moyens et le cadre pour ce travail. Exploiter ce ressenti, ce désarroi en montant les professeurs les uns contre les autres dans une situation dont ils ne sont pas responsables, ça revient à nier la responsabilité collective de l’institution et des gouvernements. Encore plus après 2 ans de Covid où les personnels ont tout fait tous seuls.
Le candidat Macron confirme ses basses stratégies de racolage électoral (insulter les profs pour aller gratter des voix) mais aussi une conception politique qui est à l’opposée de ce dont a besoin l’Éducation nationale.

Épisode 3 : la tentative de diversion avec la promesse de +10%

Le 22 avril, Emmanuel Macron tente une diversion en promettant une augmentation de 10 % sans contreparties pour tous les personnels en janvier 2023.
Quelques mois après, la tromperie apparaît au grand jour : ce ne sera pas +10 % pour tout le monde (ce qui est de toutes façons insuffisant ne serait-ce que pour rattraper les pertes de pouvoir d’achat de ces 20 dernières années) et pas en janvier 2023, ce que même le ministre de l’Éducation nationale confirme !

Épisode 4 : confirmation du travailler plus pour, peut-être, gagner plus

Après avoir grillé la politesse à son ministre lors de la rentrée devant les recteurs, le président de la République en fait de même auprès des personnels, en leur envoyant, avant le ministre, un mail qui confirme la logique du pacte : c’est bien le retour du travailler plus pour gagner plus. Le SNES-FSU dénonce immédiatement la supercherie, ce n’est pas une revalorisation, mais tout simplement le fait de payer les personnes qui travaillent. Peut-être disruptif pour la macronie, mais le principe de base de tout travail rémunéré….

Mail envoyé par Emmanuel Macron le 16 septembre à tous les personnels

Les annonces d’E.Macron puis de Pap Ndiaye se font dans le contexte d’une rentrée compliquée : au regard de la crise de recrutement, c’est une véritable rentrée de la pénurie : dès le 3/09, le SNES-FSU montre l’étendue des dégâts, il manque au moins un professeur dans 62 % des collèges ou lycées (notons d’ailleurs qu’au 6 février, le ministère n’a toujours pas fait le bilan de la rentrée). Dans ces conditions, dégrader encore plus les conditions de travail apparaît comme une réponse hors sol.

Épisode 5 : que mettre dans le pacte, qu’on n’appelle plus pacte

De septembre à février, et après une première session d’échauffement au printemps, le ministre et ses équipes se lancent dans le grand jeu de « mais que mettre dans le pacte ». Les remplacements à l’interne sont de toutes les sorties médiatiques en dépit de leur non sens pédagogique : le ministre peut bien déclarer « «mieux vaut un cours organisé au débotté qu’une heure de permanence », on peut aussi exiger des remplaçants formés, préparés, plutôt qu’un professeur qui débarque du jour au lendemain dans une classe qu’il ne connaît pas !
Puis, tout y passe : les projets pédagogiques, la surveillance de la cantine, certainement parce qu’il faut travailler plus pour manger moins (avant un rétropédalage quelques jours après), le suivi de l’orientation, la formation sur le temps de vacances, les projets dits innovants, des modulations selon l’age des personnels parce qu’un professeur expérimenté a « des cours en réserve », la participation aux vacances apprenantes etc.


Dans le même temps, le ministère prend bien soin de ne plus appeler ça pacte. Comme si cela pouvait effacer les problèmes posés par cet instrument.

Épisode 6 : le pacte = 72h par an ?!

Le 2 février, interrogé dans une matinale radio, le ministre avance le chiffre de 72h de travail supplémentaire dans le cadre du pacte pour obtenir une augmentation de rémunération de 10 %. Un chiffre que tous les personnels et les organisations syndicales découvrent dans les médias, comme au plus grandes heures du précédent quinquennat.


Travailler plus pour, peut-être, gagner plus, quelle supercherie ! Il s’agit surtout d’un alourdissement de la charge de travail (les 72h annoncées ne comptent sans doute pas les nécessaires heures de préparation pour assurer ces heures), sans pouvoir vraiment espérer une réelle revalorisation.

L’analyse du Snes-FSU

En plus d’un outil de mise en concurrence des personnels qui va fracturer les salles des profs, le pacte est aussi :

Une réponse hors sol

Tout montre la crise structurelle dans laquelle s’enfonce l’Éducation nationale : rentrée de la pénurie, augmentation des démissions et des ruptures conventionnelles : 1 600 en 2021 contre 296 en 2020 (selon le rapport annuel de la Fonction publique), enquête de la DEPP qui montrent la réalité du temps de travail des enseignants (la moitié des professeurs travaille plus de 43h par semaine) et des chiffres de l’observatoire du bien-être qui confirment l’état d’épuisement de la profession : à la question « Dans quelle mesure le sentiment d’épuisement s’applique-t-il à votre expérience professionnelle ? », avec une notation possible entre 1 (pas du tout) à 10 (tout à fait), les personnels interrogés arrivent à un score moyen de 6,8. La moitié des personnels attribue une note entre 8 et 10, et sont donc en état d’épuisement avancé ! Et les chiffres d’inscrits aux concours 2023 sont encore en baisse…
Vouloir imposer le pacte est une réponse hors sol et irresponsable.

Une remise en cause de nos métiers

Les mesures socles (sans contreparties) et le pacte sont liées ! Les mesures « socle », quelles qu’elles soient, conduisent à un aplatissement de la progression de la rémunération passé les 15 premières années de carrière. C’est d’autant plus évident que la prétendue revalorisation se fait à coup de primes qui n’ont rien de pérenne.

Quelle est alors la perspective offerte à des collègues qui souhaiteraient légitimement être mieux payés ? Le pacte et son cortège de missions supplémentaires ! Autrement dit, le ministère fait des choix ciblés avec les mesures socle pour mieux vendre et imposer le pacte. Or, ce dernier est un profond outil de dénaturation de nos métiers : en valorisant les missions supplémentaires, il accroît la charge de travail et décentre le cœur de nos métiers de l’enseignement vers d’autres tâches.

Une attaque contre nos statuts

Avant le pacte : une Fonction publique de carrière dans laquelle la rémunération évolue principalement du fait de la progression de carrière dans le temps

Avec le pacte : une Fonction publique d’emploi dans laquelle la rémunération évolue en fonction du poste occupé et des missions acceptées. Le pacte va obliger les collègues qui auront besoin d’accroître leur rémunération à accepter, sur des bases contractuelles « négociées » avec le chef d’établissement, des rémunérations complémentaires indemnitaires individualisées en échange de missions supplémentaires

Un outil qui aggrave les inégalités femmes/hommes

Le recours aux heures supplémentaires et aux indemnités est plus favorable aux hommes qu’aux femmes et aggrave les inégalités salariales de genre. Ainsi, si en moyenne 23,2 % des personnels bénéficient d’IMP, cette part est supérieure à la moyenne pour les hommes (25,9 % ), et inférieure à la moyenne pour les femmes (à la rentrée 21,4 % des enseignantes ont touché des IMP). Lorsqu’elles s’engagent dans ces missions, elles touchent un montant moyen inférieur de 35 % à celui des hommes. Pour les recours aux HSE, à la rentrée 2020, les hommes touchaient en moyenne 1358 euros d’HSE par an, les femmes 988 euros.

La logique du pacte étant de faire travailler plus les personnels, sur la base de missions supplémentaires rémunérées par des indemnités, il est désormais évident que la « revalorisation » promise par Pap Ndiaye sera une revalorisation masculine…

Les exigences du SNES-FSU

  • Une augmentation des salaires sans contreparties pour toutes et tous : professeurs (certifiés, agrégés, de chaires supérieures), CPE, PsyEN en début, milieux et fin de carrière
  • Un rattrapage des pertes de pouvoir d’achat et une revalorisation des carrières
  • Un doublement immédiat de l’ISOE
  • Une loi de programmation pluriannuelle
  • Un mécanisme pérenne d’indexation des salaires sur les prix.
  • Une augmentation des salaires des AED et des AESH, ainsi qu’un statut de fonctionnaire de catégorie B pour les AESH.
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