Les textes que nous mettons en ligne ce soir ne sont que des projets, il est symptomatique qu’ils ne soient connus que quelques jours avant d’être examinés, ne laissant que peu de temps pour l’analyse. La semaine dernière les projets de programme qui ont été examinés en Commission spécialisée des lycées, pour préparer le CSE, correspondaient encore au travail effectué par le CSP. Nous découvrons des textes profondément réécrits dans la voie générale, tout particulièrement en histoire, et pour la spécialité Histoire-géographie géopolitique sciences politiques.
Pour la voie technologique, le projet n’a pas été retouché.

 

Un alourdissement du programme de tronc commun de la voie générale

Les horaires indicatifs des deux premiers thèmes d’histoire ont été augmentés de deux heures chacun, quand le thème 4 a perdu deux heures. Au total, la prescription est de 48 heures à 54 heures pour boucler le programme d’histoire, 48 à 52 heures pour la géographie. Un déséquilibre qui ne semble pas déranger le Ministère, alors que les collègues qui ne respectent pas la parité se font régulièrement taper sur les doigts lorsqu’ils et elles se font inspecter.


La prescription s’alourdit aussi par l’ajout (toujours par rapport au travail du CSP) d’un nombre important de points de passage de d’ouverture (qui sont obligatoires – et portent décidément bien mal ce nom, puisqu’ils ferment les possibilités)
+ 5 dans le thème 1 (pour 2 heures en plus)
+ 2 dans le thème 2 (pour 2 heures en plus)
+ 2 dans le thème 3 avec le même horaire
6 points de passage et d’ouverture disparaissent dans le thème 4 (ils sont tous supprimés) mais la rédaction a été modifiée pour que le reste (les « objectifs ») devienne obligatoire : on ne lit plus « on peut mettre en avant », mais « on mettra en perspective ».
Le bilan est donc bien un carcan horaire plus serré que jamais, et une absence de marge de manœuvre dans la manière de traiter les différents chapitres.


Dans le détail, ce programme de terminale, dont la version CSP sentait déjà la naphtaline, dessine un enseignement scolaire de l’histoire et de la géographie déconnecté des enjeux qui animent ces deux communautés scientifiques depuis des années.
L’entrée du programme d’histoire du CSP était déjà exclusivement politique et géopolitique, avec des problématiques datées rappelant aux enseignant·es expérimenté·es leurs cours des années 1990. Avec cette nouvelle version, il s’agit d’en passer non seulement par la chronologie en histoire, mais surtout par l’événementiel, les grands personnages et la célébration de la grandeur de la France (c’est à dire de la Ve République). On cherche en vain ce qui permettra de faire des « citoyens éclairés et actifs » (préambule) dans cet ensemble bien uniforme.


Tous les PPO (points de passage et d’ouverture) ajoutés sont des dates associées à des événements ou alors des grands personnages. Dans le thème 1, « Le Front Populaire » disparaît au profit de « 1936 : les accords Matignon » : un carottage absurde dans l’épaisseur historique, des faits déconnectés de leur contexte… Dans le thème 2, « Les Femmes dans la résistance » (seule mention de la place des femmes dans l’histoire générale…) disparaissent au profit de trois points chronologiques distincts : juin 1940, juin 1944 et 6 et 9 août 1944.


Dans le thème 3 la suppression du PPO « Margaret Thatcher et le tournant économique libéral au Royaume-Uni » n’est pas idéologiquement neutre. Surtout qu’à la place on peut lire «  Ronald Reagan et Deng Xiaoping, deux acteurs majeurs d’un nouveau capitalisme » ce qui est quand même bien plus positif… Enfin a été barrée la notion d’État-Providence (il s’agissait d’expliquer qu’il avait été remis en question) et ajouté « Libéralisation et dérégulation »…


En géographie le projet du CSP n’a pas été profondément remanié, ce qui n’est pas non plus une excellente nouvelle, étant donné que sa thématique générale est battue et rebattue. Le thème 1 est d’ailleurs un copié-collé de ce qui existe déjà au collège, de même que beaucoup de suggestions d’études de cas. Thème 2 et thème 3 sont uniquement centrés sur les acteurs institutionnels et économiques, il s’agit d’une géographie vue d’en haut, d’où les hommes et les femmes et leur quotidien sont singulièrement absent·es. Un continent est très absent de toute cette année de terminale, l’Afrique.


Enfin, le portfolio sur la France mentionné en introduction risque de poser problème pour l’évaluation au baccalauréat lors des épreuves de contrôle continu « Le chapitre conclusif de terminale, consacré à la France, s’appuie sur l’ensemble des connaissances acquises depuis la seconde. Dans cette perspective, un portfolio –regroupant les supports du travail de l’élève sur la France (fiches de cours, croquis, documents, etc.) –peut être constitué durant les trois années du lycée. » Les élèves pourront-ils être interrogés sur des éléments étudiés en seconde et en première ?!

Pour conclure, il s’agit d’un changement de programme qui, conjugué aux changements induits par les réformes du lycée et du baccalauréat, risque d’ôter à celles et ceux dont le métier est guidé par « la saveur des savoirs » le plaisir d’enseigner, comme aux élèves celui d’apprendre…

 

Deux thèmes ajoutés en HGGSP

Le Ministère ajoute une indication horaire de 26 à 28 heures pour chaque thème, contrainte qui vient restreindre la liberté pédagogique des enseignants dans la mise en œuvre du programme. Estimer qu’il y aura 26 à 28 semaines de cours de spécialité est irréaliste par rapport au calendrier du baccalauréat en terminale (épreuves terminales de spécialité début mars afin que les notes soient prises en compte dans Parcoursup). Le Ministère devra forcément énoncer lesquels des 6 thèmes pourront être évalués par l’épreuve écrite nationale, et lesquels ne seront évalués qu’au moment du Grand Oral…

Le sixième thème totalement nouveau « L’enjeu de la connaissance » semble bien en phase avec un volontarisme politique autour de la société numérique ou « société de la connaissance ». Il n’est pas non plus anodin politiquement que disparaisse le chapitre sur la pauvreté et les inégalités, au profit du patrimoine (on parierait presque sur un effet incendie de Notre-Dame ?).

Mais QUI donc a réécrit de tels programmes, ceci en contradiction avec les promesses « d’allègement » faites par la DGESCO lors de la commission spécialisée des lycées début juillet ?..

 

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