Dans une de ses dernières publications, l’Académie des technologies retient pour le terme « technologie » son sens premier : « science des techniques : étude des procédés, des méthodes, des instruments ou des outils propres à un ou plusieurs domaines techniques, arts ou métiers. ». Nous regrettons que ce cette définition ait été ignorée, par l’Académie des technologies elle-même, lors de l’écriture des derniers programmes de notre discipline et attendons les prochains.

A la base de l’enseignement de la technologie ; la culture technique et la référence à l’objet technique fabriqué aujourd’hui un peu oubliée dans les programmes de 2008.

Pour Yves DEFORGE (DE L’EDUCATION TECHNOLOGIQUE A LA CULTURE TECHNIQUE – 1993) le terme technique définit « le pouvoir de produire un résultat préconçu au moyen d’une action consciemment maîtrisée et dirigée ». La technique s’identifie alors plus comme un processus qu’un produit (puisqu’il y a conception et réalisation) et la finalité du processus technique est de chercher à faire une réalisation adaptée à un environnement et aux besoins d’un destinataire. Pour Yves DEFORGE, la culture technique, faite d’actions sur les objets et les services, est indissociable d’une réflexion sur ces actions, elle est une composante essentielle de notre culture car elle nous donne à comprendre le monde qui nous entoure et à porter sur lui un jugement de valeur. De ce fait elle est aussi une composante essentielle de l’éducation puisqu’elle permet à l’individu de prendre en charge son devenir dans la société.

C’est sur ce concept qu’a été construite en 1984, à partir des travaux de la COPRET, la technologie comme enseignement du collège.

La technologie aurait pu alors être appelée « Art du faire » mais depuis une dizaine d’années, avec une démarche fortement imposée, dite d’investigation, et la mise en place de dispositifs comme « La main à la pâte » au primaire puis l’EIST (Enseignement Intégré de science et technologie) au collège, les derniers programmes limitent l’élève à une approche structurale de la technologie, dans un simple rapport d’observation et de manipulations de l’objet. Exprimer, comme on le demande aux élèves actuellement, les fonctions et les usages de l’objet technique, ne suffit pas à construire un réel acte technique. La fabrication, la production, organisée en référence à la démarche de projet technique, reste indispensable à l’acquisition d’une réelle culture technique. Aussi, l’ajout dans les classes de projets vitrines, pilotés de l’extérieur de l’éducation par une vingtaine de concours diverses, ou les prochains EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires) compenseront mal le principal défaut des programmes.

La technologie, ce qu’elle a été au primaire et au collège, ce qu’elle est devenue par manque de cohérence, de moyens et de formations

Dès le primaire où elle amenait les jeunes élèves à concevoir et fabriquer des objets simples et souvent ludiques elle participait à la construction de la culture technique. La démarche d’investigation, chère à certains scientifiques, que l’on impose comme outil de toute pédagogie, reste totalement inadaptée pour dire à quoi sert l’objet technique, analyser son fonctionnement ou justifier les choix et solutions pratiques associés à sa fabrication. Cette démarche, empruntée de l’enseignement des sciences d’observation, participe à écarter l’élève de toute production et à le réduire à un simple opérateur, maîtrisant, au mieux, quelques outils sans aucun recul ni esprit critique.

La dérive vers les pseudo sciences

L’amalgame et la fusion artificielle «sciences » et «technologie» que les programmes induisent, aboutissent à une confusion sur les concepts en réduisant les objectifs et les démarches de notre enseignement à un discours sur la technique.

ce qui bloque ; Sciences et technologie font appel à des démarches spécifiques pour des finalités d’apprentissage différentes.

Vouloir faire de la technologie une sous-matière au service des disciplines scientifiques n’a aucun sens et remet en cause toute sa cohérence. En effet, l’objet de la technologie n’est pas l’expérimentation et la vérification d’hypothèses scientifiques comme on veut nous le laisser croire. La technologie ne travaille pas directement sur les savoirs scientifiques, mais les connecte les uns aux autres.

ce qui a été abandonné entraine un manque de repère pour les élèves

Tout un pan de la culture technique lié au fonctionnement de l’entreprise et à l’aspect économique de la production des biens et des services a été totalement évacué des derniers programmes. L’élève ne dispose plus des références sociales et de la capacité de comprendre les mécanismes de production industrielle qui lui permettraient de remettre en cause le tout virtuel qui lui semble offrir, à tous les problèmes posés, des solutions techniques inépuisables et gratuites.

Pour une meilleur articulation primaire-collège et collège-lycée

L’acquisition de réelles connaissances et compétences par tous les jeunes dans une progression régulière du primaire vers le lycée ne peut être envisagée qu’à la condition d’une véritable réflexion sur ce que doit être l’apport culturel de l’enseignement de la technologie au collège.

La culture technique doit être ancrée sur les pratiques sociales de référence (domestique, artisanale puis industrielle), empruntées aux productions de biens et de services.

Les activités doivent être organisées en une progression régulière, cohérente et stabilisée, allant des pratiques élémentaires abordées au primaire à l’utilisation raisonnée de la machine et de l’outil attendue au lycée, et en accord avec les progressions des autres disciplines d’enseignement du collège,

Les domaines de référence, liés à l’objet technique étudié, doivent être réellement adaptés à l’univers de l’enfant et proches de leur environnement.

Les objets matériels fabriqués doivent avoir un statut ne confondant pas production et manipulation. Il faut substituer l’ « objet individuel » approprié par son auteur à l’ « objet poubelle » collectif immédiatement recyclé que nous impose les programmes actuels.

La culture technologique doit permettre l’acquisition d’une rationalité technique nécessaire au regard critique, indispensable à la prise de recul et à la distanciation par rapport aux objets de l’environnement des jeunes. Si l’on souhaite que les élèves, au départ simples utilisateurs, deviennent des observateurs critiques, maîtres de leurs choix et des techniques qu’ils adoptent, si l’on espère non seulement leur permettre de comprendre le monde mais surtout de construire celui de demain avec un regard critique indispensable à toute participation démocratique, les derniers programmes de technologies sont une erreur manifeste. Avec eux, en restant à une technologie d’usager, on va passer complètement à côté de ce qui est le but même de l’éducation scolaire, former des individus et des citoyens responsables.

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