Le Ministère porte, depuis 2019, une attention toute particulière à la formation continue, rendue obligatoire par la loi pour une école de la confiance. Elle a été cadrée par un premier Schéma directeur triennal qui arrive à son terme en 2022. Le Ministère s’est attelé à la rédaction du Schéma directeur 2022-2025. Après plusieurs groupes de travail avec les organisations syndicales, ce nouveau texte a été présenté au Comité Technique Ministériel le 26 janvier 2022 et publié au Bulletin Officiel le 24 février 2022.

Un projet d’ampleur

Le nouveau schéma directeur est d’une autre ampleur que le précédent. Celui-ci, exposé sur 5 pages du BO, définissant 3 « axes » (se situer dans le système éducatif, se former et perfectionner ses pratiques professionnelles, être accompagné dans ses évolutions professionnelles) et une trentaine de thématiques, ne concernait pas encore les personnels Jeunesse et Sports. Beaucoup plus formalisé, le nouveau schéma définit dans un tableau 6 axes, 32 priorités déclinées en 170 thématiques, qu’accompagnent une introduction et un tableau listant 15 « indicateurs de suivi ».

Le numérique n’était évoqué que par une thématique en 2019, et seulement pour les personnels pédagogiques et les Psy-EN ; « consolider les connaissances, les compétences et les usages du numérique » est devenu un axe du nouveau schéma (3 priorités, 15 thématiques). De la même manière, « incarner, faire vivre et transmettre les valeurs de la République » devient un axe, le premier, complété par « et les principes généraux de l’éducation ». C’est conforme au nouveau Schéma directeur de la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de l’État, publié pour 2021-2023 (dont c’est aussi le premier axe), ainsi qu’au cahier des charges relatif au continuum de formation obligatoire des personnels enseignants et d’éducation concernant la laïcité et les valeurs de la République (Arrêté du 16 juillet 2021, publié au JO du 12 septembre 2021).

La part belle à l’hybridation

Faisant le bilan du premier schéma directeur, le Ministère constate que la pandémie a développé le recours à la formation à distance « de manière accélérée », et qu’il ne prévoit pas de remettre en question l’hybridation des modalités de la formation continue : « 30 à 40 % de sessions sont déjà proposées d’emblée dans ce format ». La FSU a cependant obtenu que soit précisé, dans le texte publié pour finir, « la priorité accordée au présentiel ».

Faciliter l’accès à la formation continue, vraiment ?

Le nouveau schéma directeur a notamment pour objectif de « faciliter l’accès à la formation continue ». Mais pour la FSU, le temps donné à la formation continue est la première condition de son renforcement. Elle a donc proposé d’écrire plutôt qu’il fallait « faciliter l’exercice du droit à la formation continue sur le temps de travail »… L’amendement a été rejeté par l’administration. L’ampleur de l’engagement du Ministère en faveur de la formation continue se mesure à l’aune de ce refus et peut-être qu’à l’heure du bilan de ce schéma directeur, le Directeur général des ressources humaines du Ministère constatera, comme il l’a fait pour le premier schéma directeur, que « la situation n’est pas brillante ».

Plus positif, le Schéma directeur affiche la volonté du Ministère de sortir d’une logique descendante de la formation continue, que les collègues récusent et le SNES ne cesse de dénoncer.

Pour le SNES-FSU, la formation continue doit porter sur le cœur du métier

Les représentant·es de la FSU, la fédération à laquelle appartient le SNES, ont multiplié les interventions, lors des groupes de travail préparatoires et lors du CTM, pour infléchir certaines orientations du Schéma directeur, et le rendre plus conforme à la conception que la FSU de la formation continue : une formation au service des agents et du renforcement de leur professionnalité. Or, le parti pris du choix d’entrées transversales élimine la spécificité des métiers, et les compétences proprement disciplinaires ou didactiques n’apparaissent par exemple que dans deux priorités. La DGESCO a plusieurs fois réaffirmé que le Schéma directeur s’adressant à l’ensemble des personnels du Ministère de l’éducation nationale, de jeunesse et des sports, il était évident que les questions pédagogiques auraient, dans la réalisation des plans de formation, une place bien plus grande que celle qu’elles occupent dans l’éventail des thématiques. Les représentant·es de la FSU dans les Conseils académiques de la formation, créés en 2019, mais mobilisés de manière inégale par les rectorats, doivent y veiller.

Une formation continue au service de la gestion RH

Le lien entre la formation continue et la gestion des ressources humaines est clairement établi par le Ministère, et s’est trouvé renforcé par le schéma directeur de 2019 : DGESCO et DGRH travaillent ensemble sur ce dossier, mènent ensemble les bilatérales avec les académies sur le PAF ou la mise en place de l’école académique de la formation continue (EAFC). Dans la logique des orientations du Grenelle de l’éducation, le Ministère entend articuler la formation continue et la GRH, dans une perspective de valorisation individuelle.

Soucieux d’appuyer l’offre de formation sur les besoins exprimés par les personnels, il entend promouvoir un « changement de paradigme » (ce dont les camarades du SNUipp doutent à propos des plans Maths et Français). Reconnaissant que « c’est le point le plus ambitieux et le plus difficile que cette structuration de la collecte des besoins », le Ministère a refusé la proposition de la FSU d’inscrire au Schéma directeur un temps institutionnel annuel dans les écoles, établissements et services, pour permettre aux agents d’analyser collectivement et de formaliser les demandes de formation. La recension des besoins devrait donc passer pour l’essentiel par une collecte des demandes individualisée, numérisée et archivée. Les académies ont été invitées à expérimenter leur propre application, mais le Ministère se prépare « à une prise en main nationale », pour générer une enquête dont les résultats seraient à la disposition des académies.

Vers un porte-feuille individualisé des formations

Si elle n’existe pas encore, il est cependant prévu que cette application garde la mémoire des formations suivies (dont il faut qu’elles soient plus souvent certifiantes ou diplômantes), et constituer un porte-feuille individuel (comme PIX+EDU devrait le faire pour le CRCNE). C’est présenté comme une manière, pour les personnels, de garder la trace des formations, de constituer des parcours (les écoles académiques sont invitées à travailler cette notion de parcours, y compris sur plusieurs années), de voir leurs efforts connus et éventuellement reconnus. Dans un contexte d’explosion des cadres collectifs des carrières et des mutations, on mesure cependant l’usage qui pourrait être fait de ces porte-feuilles par notre employeur, à la fois pour la carrière et la mobilité.

Que conclure pour finir ? La formation continue, jusqu’ici sinistrée, retrouve grâce auprès du Ministère, ce qui n’est pas un mal. Mais on peut s’inquiéter de la transformation dont elle pourrait être le levier pour nos métiers et nos carrières. C’est une orientation que le SNES-FSU dénonce et que ne souhaitent pas les personnels.