
C’est une circulaire de rentrée tardive qui est publiée en ce début de mois de juillet.
Compétences psychosociales : elles vont déferler
Après avoir cité les valeurs de la République et la laïcité, les savoirs fondamentaux et
les compétences psychosociales (CPS) (lien vers un article CPS) sont à la une de la circulaire de rentrée. D’après la lettre de saisine de rédaction du nouveau socle, les CPS sont un pilier du socle alors même qu’elles n’ont aucun fondement scientifique.
“Le développement des compétences psychosociales, qui contribuent au bien-être et à la réussite des élèves, sera renforcé dans le cadre de la publication à l’automne du nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de culture.“
Le SNES-FSU reste vigilant pour limiter la présence des CPS dans le socle et les programmes. Il serait inacceptable d’avoir à les évaluer sous une forme ou une autre.
Des pratiques pédagogiques imposées ?
La liberté pédagogique des professeur.es est en danger. Des points disséminés de la circulaire pourraient, s’ils étaient mis en œuvre simultanément, créer un changement de paradigme pour les professeur.es de français et mathématiques.
Des programmes très contraignants qui s’approchent de la méthode d’enseignement explicite (lien vers article nouveaux programmes)
« Pour renforcer ces acquis fondamentaux dès le début de la scolarité obligatoire, de nouveaux programmes de français et de mathématiques, conçus à partir de pratiques reconnues comme efficaces et des recherches scientifiques les plus récentes, sont mis en œuvre de la petite section à la 6e. Ces programmes visent à faciliter le travail des professeurs, en leur permettant de vérifier régulièrement les acquis de leurs élèves et d’ajuster, en conséquence, leur enseignement pour répondre aux besoins de chacun avant que la difficulté scolaire ne s’installe. »
Ces programmes étant très critiqués par les organisations syndicales de la FSU, qui les ont considérablement amendés, le ministère les vend comme prenant appui sur la recherche la plus récente.
La circulaire demande la poursuite des groupes de niveau en 6e et 5e comme si un bilan désastreux n’avait pas été publié par l’Inspection générale. Le ministère, comme l’Inspection générale, tend à faire porter le chapeau de cet échec aux professeur.es qui n’auraient pas su trier leurs élèves dans les collèges ayant appliqué la réforme :
« En vue de la rentrée prochaine, il s’agit de constituer des groupes en ciblant des compétences précises que les élèves doivent acquérir : fluence, compréhension de textes ou d’énoncé, automatismes de calcul et résolution de problèmes. En effet, la moyenne des élèves dans la discipline ou le score global aux évaluations nationales ne sont pas à même de constituer un facteur suffisamment précis pour bien répondre aux besoins des élèves. Les tests spécifiques des évaluations nationales en français comme en mathématiques constituent de précieux indicateurs qu’il est important de mobiliser. »
Il est dit plus explicitement encore que d’habitude que les évaluations des professeur·es ne sont pas utiles ni pertinentes pour repérer les lacunes des élèves. Seules les évaluations nationales standardisées le permettraient. Ce serait un levier essentiel donc l’unique outil de tri qui devrait être utilisé ! Le ministère cherchant à évaluer une seconde fois le dispositif des groupes de niveau, il ajoute des évaluations de 5e obligatoires. Elles permettront d’évaluer aussi bien les élèves que leurs professeur·es. La circulaire prétend qu’elles seront conçues avec une efficacité optimale puisqu’elles seront « exhaustives » tout en étant presque deux fois moins longues que celles des autres niveaux. Cela fait pourtant des années que le SNES-FSU pointe les insuffisances de ces tests.
« Afin d’accompagner les équipes dans une meilleure identification des besoins des élèves, des évaluations nationales exhaustives seront désormais obligatoires pour tous les élèves de 5e. Elles se tiendront dans un format resserré, organisé autour d’une séquence « mathématiques et français » d’une heure, à laquelle s’ajoute le test de fluence. »
Autre levier du changement profond des pratiques pédagogiques : l’IA générative. (lien vers article)
« le cadre d’usage de l’intelligence artificielle en éducation publié en juin 2025 doit permettre d’initier une réflexion dans chaque établissement sur l’impact de cette technologie sur les pratiques pédagogiques. »
La formation Pix sur l’intelligence artificielle générative (IAG) sera déployée dans les établissements volontaires dès la rentrée avant d’être déployée partout début 2026. Elle sera obligatoire pour les élèves de 4e et de 2nde.
À noter que l’intelligence artificielle est définie comme « un nouvel apprentissage dans le parcours scolaire » et qu’il ne s’agit nullement d’apprendre à s’en dispenser ni pourquoi s’en dispenser mais d’accompagner les « élèves à l’utilisation pertinente de cette technologie, dont ils doivent pouvoir saisir les principaux enjeux ».
La formation continue va se déployer de façon à contraindre les pratiques, comme c’est le cas depuis plusieurs années pour les professeur.es des écoles.
« Les plans de formation en mathématiques et en français de chaque circonscription s’appuieront sur des objectifs chiffrés et partagés afin d’identifier les priorités sur lesquelles agir. Le plan français intègrera plus explicitement les compétences essentielles de l’écrit (gestes graphomoteurs, connaissances orthographiques et syntaxiques, copie, rédaction), les stratégies d’écriture et le plaisir d’écrire pour partager des narrations et des informations. »
Où l’on voit percer de nouveau l’enseignement explicite.
La combinaison : formation initiale (sur le point d’être réformée avec un concours à BAC+2,5 !), formation continue sur l’enseignement explicite et l’IA générative, évaluations standardisées et groupes de besoin risque de nous amener au « teach at the right level » (TARL), c’est-à-dire la pérennisation des groupes de niveau. C’est la méthode dont S. Dehaene, président du Conseil scientifique de l’Éducation nationale (CSEN) vante les mérites. Elle est appliquée depuis peu dans le primaire au Maroc avec évaluations standardisées des élèves et descentes d’équipe d’inspection d’une à deux fois par mois.(lien vers article) On s’avance vers une taylorisation de l’enseignement démembré en tâches précises et séparées d’un ensemble qui donnerait du sens.
C’est d’abord l’école primaire qui est visée et surtout l’Éducation prioritaire :
« Les professeurs qui enseignent dans les classes dédoublées bénéficieront, notamment dans le cadre des plans français et mathématiques, d’une formation adaptée, spécifiquement conçue pour répondre aux enjeux pédagogiques propres à ce dispositif. »
Enfin, nous retrouvons les Conseils académiques des savoirs fondamentaux (CASF) au coin du bois comme outil de coordination de l’ensemble dans le primaire comme dans le secondaire :
« Aux niveaux académique et départemental, le conseil académique des savoirs fondamentaux adaptera la stratégie pédagogique en fonction de l’évolution des résultats et concentrera l’accompagnement au bénéfice des écoles et collèges où les besoins sont les plus importants. En lien étroit avec les Écoles académiques de la formation continue (EAFC), le conseil adaptera le schéma directeur national aux spécificités du territoire. »
Par résultats, on peut entendre « aux évaluations standardisées ».
Le Choc des savoirs est toujours là
La circulaire reprend les préconisations envoyées en juin aux recteurs et rectrices.
L’École inclusive est une épine dans le pied pour le ministère. Il n’était pas acceptable que les élèves en relevant soient relégué·es entre eux et elles dans les regroupements de faible niveau, comme on l’a vu dans certains collèges. D’où l’invention du principe du tri sans tri. D’après les arrêtés règlementaires, les élèves de SEGPA ne devraient pourtant pas être concerné·es par les groupes de niveau puisqu’ils et elles devraient bénéficier de l’enseignement de leur professeur·e des écoles spécialisé·e. Dans bien des ULIS, selon le type de handicap des élèves, ils et elles ne sont pas inclus·es en français et mathématiques. De même, généralement, les élèves d’UPE2A devraient être amené.es à suivre ces enseignements dans leur dispositif.
« Dans le même sens, il est demandé de ne pas constituer des groupes d’élèves dont la nature des besoins est différente : élèves relevant de SEGPA, élèves bénéficiant d’un dispositif ULIS, élèves allophones ou ex-allophones, élèves en situation de pré-décrochage, élèves au comportement perturbateur, etc. »
La stratégie de réussite en Quatrième et Troisième est un paragraphe aussi creux que la tirelire pour la financer : le renforcement se résumera à un peu de Pacte pour Devoirs faits et les stages de réussite.
Retour aux moyennes disciplinaires pour le DNB : Halte au PLE !
Le ministère annonce dans cette circulaire les nouvelles modalités d’obtention du DNB avec un retour au contrôle continu classique. Au lieu de s’en tenir là, il prétend que cela « doit conduire à une réflexion collective sur l’évaluation et la préparation à l’examen», ce qui résonne avec des notes de service précédentes proposant d’impulser un projet local d’évaluation (PLE) en collège.
Le « plan Avenir » d’E. Macron de retour
La circulaire de rentrée fait la part belle au « plan Avenir ». Certes, il y a peu de moyens pour le mettre en œuvre… mais cela se fera « sur un temps d’enseignement dédié » et cela va dans le sens des annonces d’E. Macron au début de son quinquennat : il s’agirait désormais de quatre demi-journées par an dédiées à un « programme » d’orientation (il n’y a pas de lettre de saisine du Conseil supérieur des programmes à ce propos mais une partie du projet de socle y est consacrée).
Il faudrait établir un « plan pluriannuel à l’orientation dans tous les collèges et lycées » avec objectifs et indicateurs et un « suivi renforcé des parcours des élèves ». C’est la plateforme Avenir avec son portfolio de l’élève qui va permettre de visualiser son parcours. L’orientation entre dans une ère de management.
Les 30 000 professeur·es principaux·ales de Troisième seront formé·es l’an prochain, dès l’automne, tout comme les psy-EN qui seront un « appui » de cette formation. Puis ce sera au tour des autres.
La circulaire appelle à ce qu’il y ait une réunion parents-professeur·es avant le conseil de classe du deuxième trimestre en Troisième et Seconde.
Carte de l’Éducation prioritaire : dans l’angle mort
L’éducation prioritaire n’apparaît vraiment qu’à la huitième page de cette circulaire. Pas de révision de la carte en vue mais la promesse, sans engagement, d’une « attention particulière ».
« Au-delà des réseaux d’éducation prioritaire (REP et REP+), une attention particulière est portée aux écoles et établissements qui accueillent des publics fragiles ou confrontés à des difficultés scolaires et sociales comparables, en particulier les écoles dites « orphelines ».
La politique d’éducation prioritaire tend à se résumer par la labellisation de 40 nouvelles cités éducatives.
Comme si la loi sur les PAS était votée
La loi qui transformera les PIAL en PAS a été renvoyée à l’Assemblée nationale fin juin. Le ministère a pourtant rédigé cette question comme si la loi était déjà votée.
Malgré sa longueur, cette circulaire de rentrée ne montre pas de cohérence de rédaction et promet un lot de réformes qui attaquent nos métiers. Le SNES-FSU s’y opposera.