Rue de Grenelle

Les savoirs fondamentaux restent à l’honneur mais leur définition a évolué  de façon positive, passant du « savoir lire, écrire compter et respecter autrui » à « la lecture, l’écriture, les mathématiques ». Notons cependant que la maîtrise de l’oral ne fait étrangement pas partie des fondamentaux.

La circulaire rappelle que « les écarts de maîtrise des compétences fondamentales se fixent dès le plus jeune âge. » Mais, au lieu de tenter de résoudre les problèmes de difficulté scolaire en diminuant les effectifs par classe en collège, ce ministre, comme le précédent, se repose sur des dispositifs comme l’AP et devoirs faits, comme seuls lieux de remédiation pour les savoirs fondamentaux.

Le paragraphe traitant exclusivement du collège est très bref :

« Un collège plus ouvert », mais à quoi ?

Le déploiement et la montée en charge du Plan Mathématiques au collège à la rentrée s’accompagne, dans la circulaire de rentrée, de l’évocation de « préconisations méthodologiques » qui pourraient s’imposer aux professeurs de mathématiques. Elles pourraient recouper le déploiement de manuels et documents officiels, déjà présents sur les pages de ressources dédiées à ce Plan, ce qui ferait courir le risque de voir apparaître une pédagogie officielle, à l’image de ce qu’ont vécu les professeurs des écoles. avec la méthode de lecture imposée par le ministre Blanquer. Il faut pourtant noter que le rapport de l’Inspection générale qui dressait un premier bilan du déploiement de ce Plan insistait surtout sur les difficultés passées et actuelles de son déploiement… Le SNES-FSU restera toutefois vigilant sur les suites des instructions figurant dans la circulaire de rentrée.

 Plus que la réussite de tous les élèves, c’est l’ouverture du collège au monde de l’entreprise qui est mise en exergue, faisant écho aux propos du président Macron en campagne. Il promettait alors que les entreprises pourraient venir faire leur promotion une demi-journée par semaine aux collégiens dès la Cinquième.

De nombreuses associations et fondations issues d’entreprises du CAC 40 s’infiltrent déjà dans les collèges, au prétexte d’accompagnement à l’orientation. Elles tentent de préparer les élèves aux idées libérales pour les encourager à être par exemple « entrepreneurs d’eux-mêmes ». L’idée ne semble plus être de former un citoyen émancipé mais un jeune adapté au marché de l’emploi du moment.

Le pass culture et la rentrée en musique sont remis au premier plan dans cette circulaire.

« En outre, les collèges volontaires seront invités à mettre en place, à titre expérimental, une organisation des emplois du temps permettant à tout ou partie de leurs élèves de pouvoir faire deux heures d’activités sportives sur le temps périscolaire, dans des clubs ou associations sportives. »

Le SNEP-FSU a vivement réagi à cette annonce.

Évaluation à tous les étages

Le ministre assume pleinement le vocabulaire du néo-management en titrant : « Entrer dans la culture de l’évaluation pour mieux répondre aux besoins des élèves ». Cette « culture de l’évaluation » se traduit tout d’abord par le maintien des évaluations systématiques en Sixième et par leur extension expérimentale au niveau Quatrième dans un certain nombre de collèges avec pour horizon leur généralisation à la rentrée 2023. Elle passe aussi par la valorisation de PIX et Ev@lang ( cf l’article en ligne sur sa passation) qui démultiplient les séances d’évaluations plus ou moins adaptées aux programmes et sans plus-value pédagogique. En quoi aident-elles à identifier les besoins des élèves alors que l’expérience montre chaque année que ceux et celles qui sont les plus en difficulté sont détectés dans les mêmes délais par leur équipe enseignante ?

Sans surprise, ces évaluations formatées sont surtout présentées comme un outil de pilotage pour les DASEN (directeurs académiques des services de l’éducation nationale) et mises en relation avec l’évaluation des établissements. Le principe de cette dernière relève de la loi Blanquer « Pour une école de la confiance ». Ainsi depuis deux ans, dans le cadre de la loi Blanquer « Pour une école de la confiance », 20% des EPLE subissent une évaluation en deux temps chaque année par cycle de 5 ans. Cette procédure comprend une première partie d’autoévaluation des personnels qui doivent faire le bilan des points faibles et forts de leur établissement : pratique classique du néo-management avant de voir un trio d’évaluateurs externes (IPR, IEN, personnel de direction) enquêter dans l’établissement.

Une réforme du collège à venir ?

Des différents propos qu’a tenus le président Macron au cours de ces derniers mois, on a pu comprendre que ce sont les classes de Cinquième et de Sixième qui serviraient de charnière à une nouvelle réforme. La circulaire demeure très floue. La méthode utilisée sera comme pour les cités éducatives, les CLA (Contrat locaux d’accompagnement) et les TER (Territoires éducatifs ruraux) un début d’expérimentation polymorphe qui seront généralisés par la suite. Le maître mot de la politique ministérielle est l’autonomie de l’établissement donc la différenciation de l’organisation d’un collège par rapport à un autre.

L’académie d’Amiens a déjà communiqué à la presse son projet de Sixièmes « tremplin », destiné dans chacun des départements à deux collèges dépendant d’un TER. Il s’agit de renforcer l’acquisition du français et des mathématiques pour des élèves de Sixième qui présentent des difficultés scolaires. Ils suivraient un emploi du temps spécifique sans être réunis dans la même division. Et surtout, seront favorisées des organisations comprenant des échanges de services entre premier et second degrés ou bien des co-interventions. Ce type d’expérimentation est rendu possible par l’article 38 de la loi Blanquer « Pour une école de la confiance ». Attention, si votre collège est concerné, sous couvert de faire progresser les élèves, il s’agit d’une marche supplémentaire  vers la primarisation du collège. Elle a déjà été amorcée avec la création du cycle 3 lors de la réforme du collège. Au printemps dernier, des députés LREM ont écrit une tribune dénigrant le collège actuel et ont promu la fusion du statut pour les professeurs des écoles et des professeurs enseignant en collège de façon à ce que les professeurs de collège soient au moins bivalent, voire plus polyvalent encore. L’idée est de réduire drastiquement les équipes pédagogiques en collège. Pourtant s’il suffisait d’un maître unique pour faire réussir tous les élèves, il n’y aurait pas tant d’élèves de CM2 en difficulté. Ce type d’expérimentation doit être voté en CA, il faut se mobiliser collectivement et convaincre les parents pour refuser ces échanges de service.

 « Une école engagée pour l’égalité et la mixité »

École inclusive

Le ministre se réclame d’une École pleinement inclusive et ne met en valeur que ses progrès. Pour le SNES-FSU, c’est l’objectif à atteindre. C’est pourquoi on ne peut se contenter d’un simple affichage : il est essentiel d’en pointer les nombreux dysfonctionnements actuels et d’y mettre fin :

  • Les PIAL (pôles inclusifs d’accompagnement localisés) sont présentés comme un élément de progrès alors qu’au quotidien, les emplois du temps des AESH sont flexibilisés à outrance sans toujours chercher à accompagner les élèves en situation de handicap de la meilleure façon (élèves accompagné par différents AESH au cours de la semaine, AESH spécialisés sur certaines formes de handicap accompagnant des élèves porteurs d’autres troubles, rationalisation de la pénurie d’AESH …)
  •  Pour que l’École soit pleinement inclusive et pour pouvoir adapter les enseignements aux différents élèves à besoins éducatifs particuliers, il est nécessaire de diminuer drastiquement les effectifs par classe (avec un maximum de 24 élèves par classe et de 20 en éducation prioritaire, ces seuils devant être diminués quand des élèves sont inclus). C’est à cette condition nécessaire qu’on pourrait atteindre l’objectif fixé par la circulaire de « continuer de faire en sorte que tous les élèves qui doivent être accueillis le soient, mais aussi que leurs conditions d’accueil, d’accompagnement, notamment pédagogique, et d’apprentissage permettent en toute circonstance leur épanouissement et leur plein accomplissement. »
  • La plupart des AESH ne reçoivent aucune formation institutionnelle les préparant à l’exercice de leur métier, l’État comptant sur le fait qu’ils s’auto-forment sur leurs temps personnel. Quant aux professeurs, une plate-forme d’auto-formation est en ligne… là aussi il faudrait y consacrer son temps personnel.

La circulaire indique que pour « la première fois, les élèves concernés sont plus nombreux dans le second degré que dans le premier degré », ce qui explique que dans des classes aux effectifs pléthoriques, la question de l’inclusion est systématiquement évoqué par les personnels quand ils déclinent les difficultés de leur métier.

Éducation prioritaire

C’est probablement sur la politique d’éducation prioritaire qu’on pourrait le plus attendre du nouveau ministre. On le sait sensible aux questions d’inégalités.

Mais quand le ministre Ndiaye évoque le fait de « multiplier les moyens » pour « lutter contre les assignations sociales et territoriales », cela rappelle que la « nouvelle éducation prioritaire » mise en place par le ministère précédent est celle des cités éducatives, des CLA, voire des TER puisque le ministre Blanquer ne cessait d’opposer la question sociale de l’éducation prioritaire à la question territoriale de la ruralité. Cette « nouvelle éducation prioritaire » obéit, non à une logique de besoins, mais à une logique de contractualisation des moyens sans garantie de pérennité à long terme comme le nécessiterait une politique ambitieuse pour l’éducation prioritaire. On voit bien dans l’exemple de Sixièmes tremplin que les TER sont des terrains d’expérimentation ruraux.

En audience avec la FSU, le ministre a promis l’ouverture d’une concertation sur l’éducation prioritaire. Quelle qu’en soit la forme le SNES-FSU y portera ses mandats : une carte élargie, intégrant les lycées, sur la base des besoins et non des moyens, avec des indicateurs transparents.

Avec la FSU, le 17 novembre, le SNES prolongera d’une journée les Etats-généraux de l’éducation prioritaire qui avait eu lieu en 2019, de façon à dresser le bilan des cités éducatives et des CLA.

Comment améliorer la mixité sociale ?

Pour le ministère, le premier facteur de mixité sociale se trouve dans les internats d’excellence, c’est-à-dire dans l’exfiltration de quelques bons élèves de leurs établissements défavorisés d’origine. Ensuite vient l’implantation de cursus d’excellence comme des sections internationales dans des établissements défavorisés afin de les rendre plus attractifs. Ce principe ne réussit pas toujours et il crée souvent une ségrégation intra établissement. Il ne s’agit pas là encore d’une stratégie permettant un réel vivre ensemble.

En dernière position vient l’idée d’imposer dans chaque académie des objectifs de réduction des écarts sociaux entre collèges et entre lycée. 250 collèges parmi les plus favorisés seraient déjà concernés. Un poste de CPE a parfois été créé en plus dans certains d’entre eux au titre de la mixité sociale…

Pour le SNES-FSU, la ségrégation inter-établissement a pris son essor lors de l’assouplissement de la carte scolaire en 2007. Il faudrait donc réviser la plupart des cartes d’affectation des élèves de CM2 au collège en accordant moins de possibilités d’y déroger.

Concernant les bourses et les fonds sociaux, on le sait, le passage à la déclaration numérique a fait chuter le nombre de demandes de bourse. Le ministre demande donc aux chefs d’établissement d’y remédier. Puis il est question des fonds sociaux. Leur diminution ces dernières années n’est pas mentionnée. Le texte laisse à penser que certains chefs d’établissement ne les utilisent pas pour aider des élèves en très grande difficultés économiques. Ils sont donc appelés à distribuer les fonds sociaux de façon plus efficace (en Guadeloupe par exemple).

Discrimination et harcèlement

Une longue partie de la circulaire est consacrée à la lutte contre le harcèlement (avec l’expérimentation pHARe qui se généralise quitte à remplacer le travail plus approfondi qui se faisait déjà dans certains établissements) et les discriminations toutes sortes.

« Les atteintes à la laïcité feront l’objet d’une communication nationale désormais mensuelle. »

Environnement et développement durable

On se souvient qu’en pleine crise sanitaire, au lieu d’alléger les programmes le Conseil supérieur des programmes (CSP) avait été diligenté pour les verdir. Ce n’était sans doute pas suffisant puisque le CSP est de nouveau saisi de cette question. Nos programmes pourraient donc — encore —  connaître quelques modifications, à la rentrée prochaine. Le SNES-FSU demande bien au contraire une réflexion approfondie sur les programmes afin de les alléger, de renforcer leur cohérence et d’approfondir leurs dimensions environnementales.

Le principe des éco-délégués est donc ainsi maintenu ainsi que le label E3D. Mais ce sera encore aux personnels de gérer l’aération des salles en hiver de façon à éviter la propagation du covid tout en respectant  une sobriété énergétique. L’amélioration du bâti n’est pas pour tout de suite bien qu’en audience FSU, le ministre se soit  dit ouvert à cette perspective.

Gestion de crise

Par ailleurs, le ministère nous demande  d’actualiser les plans de continuité pédagogique et nous informe qu’ «  Outre les ressources nationales, une solution pérenne et souveraine de classe virtuelle accessible à tous les professeurs sera désormais garantie toute l’année. »

Enfin, le ministère se félicite d’avoir accueilli près de 20000 élèves ukrainiens fuyant la guerre. Notons que cet accueil s’est fait quasi sans moyen supplémentaire, notamment dans le dispositif UPE2A qui connaissait déjà un manque de moyens. Cet accueil n’a pu se faire que grâce aux efforts des personnels qui « doivent être reconnus, promus et respectés. » Reste à voir comment cette reconnaissance et promotion seront mises en œuvre.

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