Frédérique ROLET
Secrétaire Générale du SNES-FSU
à
Monsieur Jean-Michel BLANQUER
Ministre de l’Éducation Nationale

Monsieur le Ministre,
Nous souhaitons vous faire part de nos inquiétudes tant sur le fond que sur la façon dont se déroulent les discussions sur la réforme du lycée et du baccalauréat. Nous sommes favorables à un travail sur l’évolution de l’organisation de la scolarité au lycée et sur les épreuves du baccalauréat afin de construire une culture commune pour tous les lycéens en même temps que l’accès à des spécialisations favorisant les poursuites d’études ; mais cet objectif requiert tout d’abord quelques précautions en matière de méthode.

Nul ne peut raisonnablement penser produire des programmes fructueux pour le lycée ni réformer l’organisation de ce dernier dans un temps aussi contraint que celui prévu. En outre la conception du baccalauréat est dépendante de la façon dont s’organise la scolarité au lycée et de ce qu’on souhaite évaluer ; l’annonce prématurée d’une réforme du baccalauréat induit de fait une conception du lycée
et réduit fortement le périmètre et le poids des discussions sur ce dernier point.
Concernant le baccalauréat ,nous regrettons que nos propositions sur une réflexion touchant aux épreuves (durée, modalités, coefficients…) n’aient pas donné lieu à un travail véritable.
Nous persistons à penser que l’organisation prévue produirait de nombreux effets négatifs, en augmentant le temps consacré aux évaluations au détriment des apprentissages, en imposant une organisation lourde et chronophage aux établissements sans pour autant rendre plus lisible et plus
simple le baccalauréat. De plus, elle fragiliserait grandement le caractère national de ce dernier, élément fondamental auquel nous sommes très attachés pour des raison de justice sociale.
Sur le lycée, sujet sur lequel se concentrent désormais les discussions, nous mettons en garde contre tout projet qui aggraverait une situation déjà très insatisfaisante. La réforme de 2010 a eu des effets négatifs sur les enseignements, en réduisant certaines disciplines à un enseignement d’exploration, en
multipliant les contrôles en cours de formation, en introduisant une forme de concurrence entre les disciplines par l’absence de cadrage des dédoublements de classes et accompagnement qui se révèle souvent inopérant quand il est déconnecté des enseignements. Il ne s’agirait en aucun cas de fragiliser encore des apprentissages; les disciplines ont besoin de temps pour que les élèves s’approprient la méthodologie propre à chacune et entrent dans les contenus.
A ce titre, nous sommes opposés à toute semestrialisation des enseignements qui ne ferait que morceler les savoirs sans permettre d’acquisition solide.
Quant à l’organisation sous forme de parcours modulaires, elle renverrait à chaque élève la responsabilité de son parcours, alors qu’on sait que jouent à plein dans ce cas un certain nombre de déterminismes (sociaux, genrés …) qui amènent les uns à faire les choix les plus valorisés tandis que d’autres se fermeront des portes. En outre, une spécialisation précoce fondée sur un petit nombre de disciplines imposerait aux lycéens d’avoir très tôt défini leur future orientation et affaiblirait l’acquisition d’une culture commune.
C’est pourquoi nous considérons que la structuration en séries et en voies permet au mieux une formation cohérente et équilibrée. Bien entendu, celles-ci demanderaient à être revisitées dans les contenus de formation afin de combattre la hiérarchisation implicite qui s’est installée entre elles, permettre davantage de passerelles. Cela suppose également une carte des formations dans les Académies qui permette une offre équilibrée dans toutes les séries des lycées généraux, technologiques et professionnels.
Nous attirons enfin votre attention sur le danger qu’il y aurait à ne pas garder en tant que telle la voie technologique dans laquelle les disciplines générales participent de l’acquisition de la culture technologique. Ne plus penser ensemble les programmes propres des enseignements de cette voie ne ferait qu’affaiblir cette dernière au détriment d’une partie des jeunes pour lesquels c’est un facteur de
réussite.
Nous avons fait des propositions sur l’ensemble de ces sujets et sommes prêts à en discuter si les objectifs de la réforme et le calendrier permettent d’avancer vers un lycée répondant au besoin de créer du commun tout en permettant une spécialisation progressive.

Veuillez croire, Monsieur le ministre, en notre profond attachement au service public d’éducation.

Frédérique ROLET