Annoncée cet été par le Premier Ministre et le Ministre de l’Éducation Nationale, dans un entretien à Ouest-France, la réforme de la formation des enseignants se dessine peu à peu. Les premières décisions doivent concerner les ESPE et les masters qu’elles délivrent, ainsi que la mise en place d’un statut spécifique pour certains AED ; elles seront présentées au Conseil Supérieur de l’Éducation du 15 octobre 2018, et doivent s’appliquer dès 2019. Dans un second temps, le Ministère entend s’attaquer aux concours de recrutement : on attend, d’ici quelques semaines par exemple, un rapport de Bernard Saint-Girons et Monique Ronzeau sur la place du concours.
Les informations qui circulent, au gré des audiences et des communiqués des différents acteurs de ce chantier (Conférence des Présidents d’Université, Réseau des ESPE…) ne doivent pas faire oublier la lourdeur du contexte : la crise structurelle du recrutement, autrement dit des vocations, et l’annonce dans la loi de Finances 2019 d’un nouveau coup de rabot sur les postes mis au concours en 2019, sans doute comparable à celui qu’on a connu en 2018 : une baisse de 20 % au concours externe de recrutement des enseignants du second degré général et technologique et des CPE. Le vivier de recrutement des enseignants et CPE des collèges et des lycées n’a probablement jamais été aussi fragile depuis les années 1990, et le gouvernement le déstabilise encore plus. Alors que sait-on pour le moment des intentions du gouvernement ?

Un nouveau statut d’AED en guise de pré-recrutement

Alors que toutes les aides spécifiques pour les candidats aux concours de l’enseignant, qui ont profité jusqu’à la session 2013 à 12 000 candidats, n’ont pas été rétablies, Jean-Michel Blanquer annonce, grand prince, vouloir « pré-recruter », sous statut d’Assistant d’Éducation (AED), des étudiants de L2 (puis L3 et M1), qui voudraient préparer les concours enseignants. Mais rien, ni dans la qualité du dispositif qui doit être présenté au Conseil Supérieur de l’Éducation le 15 octobre, ni dans le volume de ce « pré-recrutement » (3 000 par session) ne permet de penser que ce statut sera utile. La rémunération, de ce qu’on en devine, sera trop faible pour que les intéressés puissent se consacrer utilement à leurs études, et l’on attendra d’eux qu’ils exercent en établissement, y compris des missions de remplacement ponctuelles (en L3) puis à l’année (en M1). Comme l’ont montré l’échec des « Emplois d’Avenir Professeurs », puis des « Étudiants Apprentis Professeurs » et des M1 en alternance sous la législature précédente, si l’on veut des candidats, et des candidats qui réussissent au concours, il faut les payer pour qu’ils étudient, pas leur marchander un petit salaire contre un vrai travail. Mais qu’à cela ne tienne, Jean-Michel Blanquer persiste, et cela en dit sans doute long sur sa conception de l’entrée dans le métier enseignant : par la précarité, et la mise en responsabilité sans filet. La modification du Code de l’Éducation proposée en CSE le 15 octobre, prévoit en effet que « des fonctions pédagogiques et d’enseignement ou des fonctions d’éducation » soient confiées à ces AED d’un nouveau type. Pour le SNES-FSU, il est inacceptable de mettre des étudiants en responsabilité de classe sans véritable formation.

Un référentiel piloté par le Ministère de l’Éducation Nationale, et une place accrue du « terrain » dans la formation

Le Ministère de l’Éducation Nationale qui entend mieux définir les attendus de la formation des enseignants dans le cadre d’un référentiel de formation beaucoup plus précis qu’il n’existe aujourd’hui, et qui préciserait le contenu des masters MEEF. Le SNES, et les autres syndicats de la FSU, dénoncent depuis longtemps les inégalités de formation dans les académies, et réclament un cadrage national effectif de la formation pendant l’année qui suit le recrutement, l’année de stage. Sans même faire de procès d’intention à un ministre qui porte aux nues les neurosciences, et beaucoup moins les sciences de l’éducation et la sociologie, le danger, c’est de définir des contenus de master voués à l’adaptation à l’emploi. Le SNES-FSU, et la très grande majorité des enseignants des collèges et des lycées, défendent un métier de concepteur, appuyé sur une maîtrise de la discipline enseignée et des savoirs pour enseigner. La ventilation des principaux temps de formation, telle qu’elle est proposée pour le moment, fait peu de cas de la discipline ; la « pratique réflexive et la recherche » n’occuperaient que 15 % du temps. Si le document diffusé par le Réseau des ESPE reste pour le moment peu explicite, on ne peut que s’inquiéter de la place faite, à l’inverse, à l’évaluation ou aux « valeurs républicaines ». Il faut surtout relever la volonté de recourir majoritairement à des enseignants de terrain pour assurer la formation. C’est de bon sens, et cela trouve sûrement un écho favorable dans l’opinion publique. Un bon forgeron n’a-t-il pas appris en forgeant ? Mais c’est précisément faire bien peu de cas de la qualification disciplinaire, et des travaux des sociologues et des didacticiens. On en revient à une définition technique de l’enseignement, fondée sur les bonnes ficelles.
Le Ministère entend par ailleurs transformer les ESPE en INSP (Instituts Nationaux de Supérieurs du Professorat). Le rattachement de ces INSP à l’université paraît remis en cause, leur champ d’action plus restreint que celui des ESPE ; les directeurs ne seraient pas désignés par les instances élues, mais par un comité piloté par le Recteur.

La question de la place du concours à nouveau posée

La question qui reste pour le moment pendante, c’est la place du concours. En août, Jean-Michel Blanquer évoquait cette réflexion, et c’est le contenu de la mission confiée à Bernard Saint-Girons et Monique Ronzeau. Les informations qui filtrent à ce sujet sont parfois contradictoires. Il est très sérieusement question de placer l’admissibilité du concours de professeurs des écoles à la fin de la L3. Il pourrait donc y avoir un « décrochage » entre le niveau de recrutement des professeurs des écoles et celui des professeurs des collèges et des lycées. On entend dire que les PES suivraient, après cette première étape, une formation de deux ans couronnée par un master. Le statut de ces étudiants de master est encore dans le vague : il leur faudrait attendre la fin du master pour être tout à fait recrutés comme professeurs stagiaires (à l’issue d’une épreuve d’admission détachée, donc, de l’admissibilité). Seraient-ils, dans l’intervalle, contractuels admissibles, et ce scénario peut-il, au bout du compte, s’étendre aux concours du second degré ? Il faut se souvenir qu’il a été en partie expérimenté en 2013, lorsque des étudiants de M1 ont pu se présenter aux écrits d’un concours exceptionnel (alors qu’il fallait être en M2, à l’époque, pour s’inscrire au CAPES), dont l’admissibilité était décalée l’année suivante (à la fin de leur M2). Qu’a-t-on proposé aux admissibles de ce concours exceptionnel, alors ? D’enseigner, comme contractuels, pendant leur M2. Et l’on revient, sur cette question de la place du concours, aux vertus du terrain si chères au Ministère de l’Éducation.

Ainsi, si l’on fait le bilan des informations en notre possession, qu’est-ce que nous offrent pour le moment les projets du gouvernement ? Rien sur le financement des études de celles et ceux qui se préparent à nos métiers ; une sorte d’infra-concours, qui institutionnalise le passage par la précarité ; et pour finir, aucune réponse réelle aux besoins de formation disciplinaire et didactique.

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