Le calendrier apparaît parfois plus que serré :

  • Publication des nouveaux programmes de mathématiques du cycle 3 avant octobre 2024, pour application à la rentrée 2025 ;
  • Publication des nouveaux programmes de mathématiques du cycle 4 au plus tard en juin 2025 pour application à la rentrée 2026 ;
  • Reprise des programmes de Seconde et Première en vue de la mise en place de l’épreuve anticipée de Mathématiques en fin de Première (première session en juin 2025), annoncée mais sans cadrage pour le moment (il sera travaillé en parallèle de la reprise des programmes du lycée).

L’esprit général des programmes est appelé à conforter, de fait, la logique des « groupes de niveaux » que le SNES-FSU refuse, avec une très large partie de la profession, l’objectif affiché étant de concilier « exigence et réussite » des uns, « progression des élèves en situation de fragilité », et « lieu ou filles et garçons pratiquent les mathématiques avec confiance et plaisir ».

La tentation sera grande, pour résoudre la quadrature du cercle, de diversifier les approches, les ambitions et les attendus, de recourir à ces groupes plus homogènes mais qui briseront les dynamiques collectives de progrès, d’échanges et isoleront les élèves les plus fragiles, malgré la promesse – inatteignable dans ce cadre – d’atteinte d’objectifs communs, promesse d’ailleurs écornée par le propos liminaire : il s’agit bien de « concilier » les divers niveaux (autrement dit, de le gérer), pas de résorber les écarts…

L’ambition reste, et c’est une bonne chose, la formation des élèves au raisonnement et à la démonstration comme objectifs essentiels, même s’il ne s’agit que d’une « initiation à la démonstration », mise en regard de l’objectif de faire de la « résolution de problèmes » le cœur de l’activité des élèves. Cette dernière fait évidemment écho au type de problèmes posés dans le cadre des évaluations standardisées (de type PISA, ou même du ministère) dans lesquelles la méthode de résolution, les pistes suivies, la réflexion ne sont pas évaluées, seul le résultat final l’étant réellement. Cela encourage la mise en place de stratégies-type, de la reconnaissance quasi-automatisée de situations sur lesquelles plaquer un résultat ou une technique, sans construire de questionnement ou d’argumentation précise et rigoureuse, sans travailler l’expression et la qualité de rédaction de la réponse… C’est donc en rester pour de nombreux élèves à un niveau qui ne leur permettra pas de construire et exercer une forme d’esprit critique ou d’abstraction qui leur sera pourtant indispensable dans leur vie de citoyen.ne, ou de poursuite d’études. Par ailleurs, l’ambition affichée de pratiquer la démonstration « dans tous les domaines des mathématiques, de la statistique à l’algorithmique » dit la ministre – interroge sur sa faisabilité en collège…

La méthode de Singapour n’est pas explicitement mentionnée, mais l’insistance sur « le tryptique manipuler, représenter, abstraire » et sur « la verbalisation de l’élève comme du professeur » dessine en creux son introduction, comme modalité d’« enseignement explicite »…

Dans le détail, la saisine du CSP aborde classiquement la numération ; le passage du calcul numérique au calcul littéral ; les grandeurs et mesures ; la géométrie ; la gestion des données, les statistiques et les probabilités. De manière nouvelle, et qui devra être définie avec soin, est mentionné le « développement de la pensée informatique », en lien avec la technologie

Numération : les factions et décimaux seront introduits dès le début du CM1, soit plus tôt qu’actuellement, dans la continuité d’un travail de préparation conduit dès le cycle 2 (CP à CE2). L’insistance est mise sur l’automatisation des procédures de calcul, notamment au travers du calcul mental, et de l’apprentissage des tables. En parallèle, les élèves devront se constituer une « bibliothèque mentale » de situations types dans lesquelles appliquer des procédures relevant d’automatismes.

Du calcul numérique au calcul algébrique : ce passage est élevé au rang d’enjeu fondamental du collège, et devra être introduit dans diverses dimensions (« représentations variées »), avec la perspective de mettre en évidence la puissance de la formalisation algébrique en termes de « calcul, mais aussi de raisonnement et de démonstration ». La démonstration par le calcul montre ici les limites de l’apprentissage réel de ce qu’est une démonstration et une preuve, au risque de la réduire à la maîtrise d’une technique de calcul…

Grandeurs et mesures : seront au programme les relations entre grandeurs, grandeurs nouvelles (vitesse, aire et volume (?)), et la proportionnalité, sans doute interrogées et réinvesties classiquement sous l’angle des fonctions linéaires, encore que la notion de fonction semble devoir être abordée plus en profondeur qu’actuellement. Les élèves seront exercés à produire (sans doute mentalement, dans le cadre du travail sur les nombres) des ordres de grandeur de manière à pouvoir critiquer un résultat.

Géométrie : l’ambition se limite à l’initiation à la démonstration, ce qui risque d’être loin de permettre de développer une pensée argumentative réellement structurée. L’accent est plus nettement mis sur la reconnaissance de configurations-types, .

La manipulation, notamment numérique, de figures et de transformations vise essentiellement à installer une mémoire visuelle des configurations géométriques courantes, et du traitement algorithme de grandeurs associées, de manière assez automatisée et plutôt peu sur le mode du questionnement ou de la mise en débat de la vérité ou de la réalité matérielle d’une figure vue. La notion de preuve risque d’être supplantée assez vite par le conditionnement quasi-pavlovien du traitement numérique des configurations…

Gestion des données, statistiques et probabilités : la principale nouveauté résulte ici de l’introduction des probabilités dès le début du cycle 3, au CM1, et des statistiques dès le cycle 2. Il s’agit ici clairement d’apprendre à utiliser des outils mathématiques dans le champ des autres disciplines (géographie, sciences et technologie sont citées) et de manière très concrète. S’agissant des probabilités, il sera sans doute difficile d’éviter les situations assez artificielles…

Développement de la pensée informatique : c’est de loin le passage qui interroge le plus quant aux objectifs assignés aux apprentissages des élèves, même si se dessine en creux dans la commande ministérielle l’algorithmique et les concepts fondamentaux de la programmation : manipulation d’algorithmes, leur modification, leur analyse ou mise en place.

A ce propos, il faut noter la commande ministérielle, exprimée dans une seconde lettre de saisine, de la volonté de développement d’une « culture de l’IA ». En un sens, la connaissance des « faits algorithmiques » pourrait y contribuer. Il n’en est probablement rien, la ministre demandant au CSP de développer une « utilisation raisonnée des possibilités des outils utilisant l’intelligence artificielle », laissant par là craindre que les élèves ne soient vus que comme utilisateurs – éclairés, mais utilisateurs – d’outils numériques « intelligents » et de leur « véritable plus-value »…

Au final, l’ensemble dessine, sans surprise, pour le collège et les cycles 3 et 4 une vision assez austère et surtout très mécanique des mathématiques, qui rejette tous ses éléments contextuels, civilisationnels ou historiques, ou ses questionnements qui pourtant peuvent être porteurs de sens pour la discipline, et pour le développement d’une vision humaniste de cet enseignement. Mais peut-être que les éléments de « culture générale » qui doivent traverser les programmes y seront associés… On peut toutefois en douter, l’objectif de cette dernière relevant davantage du Trivial Pursuit ou de l’encadrement d’une jeunesse, centré sur la Nation, que de la construction d’un·e citoyen·ne du monde ou de l’histoire de l’Humanité…

L’introduction d’une épreuve de mathématiques anticipée en fin de Première, sur le modèle de l’épreuve anticipé de français, soulève de nombreuses questions sur le périmètre de cette épreuve. En effet, 4 publics différents y seront soumis au vu de la saisine du CSP : les deux profils d’élèves de la voie technologique (ceux n’ayant que le tronc commun au programme, et ceux ayant un enseignement approfondi dans le cadre de la Spécialité sciences physiques et mathématiques, cette dernière catégorie étant oubliée par la ministre dans sa lettre de saisine…) et deux profils d’élèves de la voie générale (ceux suivant l’enseignement spécifique de mathématiques dans le cadre du nouveau périmètre de l’enseignement scientifique et ceux suivant la Spécialité mathématiques). Aucune indication particulière n’a à ce jour été mise en débat, alors que l’épreuve est annoncée pour la session 2025 du baccalauréat, et il serait regrettable que le ministère soit, comme souvent depuis la mise en place du Lycée Blanquer, dans l’incapacité de donner toutes les informations utiles aux élèves et professeues lors de la rentrée de septembre 2024

Sur le fond, et pour la voie générale, cette épreuve anticipée semble devoir exclure toute poursuite de l’enseignement de mathématiques pour tous les élèves en Terminale : les critiques faites lorsque les mathématiques ont été sorties du tronc commun restent donc toujours d’actualité, et pour longtemps.

De ces épreuves pourront naître des évolutions dans les programmes de Seconde et Première : certaines d’entre elles semblaient déjà être indispensables pour assurer une bonne transition entre la Troisième et la Seconde, et le SNES-FSU le demandait. D’autres sont rendues nécessaires par les possibles redondances entre certains éléments de l’enseignement scientifique, et les notions au programme en Spécialité.

L’introduction annoncée du recours à l’IA pour la remédiation en Seconde est également une possible cause d’évolution, même si pour le moment personne ne peut dire dans quelle mesure. Il serait en tout cas problématique de transférer à la machine et à l’autonomie des élèves un certain nombre de points de remédiation, notamment sur les aspects qui ne relèvent d’aucune forme de maîtrise des automatismes techniques.

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