Délais rallongés, recrutement sur profil, arbitraire… la liste des défauts de Parcoursup s’allonge. Alors que les premières propositions seront annoncées cette semaine aux élèves de Terminale, les doutes s’accumulent quant à l’équité de la procédure.

Le SNES-FSU n’a cessé d’alerter depuis l’année dernière sur le jeu délétère des ministères de l’Enseignement supérieur et de l’Éducation nationale, qui imposent une réforme à marche forcée en transformant toute une classe d’âge en génération crash-test. Alors, comment comprendre que beaucoup semblent découvrir les défauts de Parcoursup ? Craignent-ils de voir les lycéens se fracasser sur le mur du 22 mai, date à laquelle les premières propositions parviendront aux candidats à la poursuite d’études ?

Encore plus d’attente

À l’heure où les rectorats préparent une communication de gestion de crise en direction des élèves comme des personnels, qui peut encore croire dans l’efficacité de la nouvelle plate-forme d’affectation ?

À l’automne dernier, la Cour des comptes comparait dans un rapport les mérites de feu APB avec des systèmes en vigueur en Allemagne et au Royaume-Uni, sur lesquels est calqué Parcoursup. Le verdict était sans appel : à l’issue du premier tour, le modèle d’affectation type plate-forme de service doublait le nombre des candidats sans proposition. En s’appuyant sur les effectifs de 2016, on serait passés à l’ouverture de la phase d’affectation de 150 000 bacheliers sans proposition ferme avec APB à 300 000. Les risques inhérents à ce choix de plate-forme de service pour l’affectation sont donc bien connus, comme l’allongement des délais d’attente pour la moitié des candidats et ­l’acceptation de propositions par défaut par crainte du risque de se retrouver sans solution.

Parcoursup fait en réalité entrer les futurs bacheliers dans la logique d’un marché éducatif fondé sur la concurrence entre les individus et les formations, conçues comme des entreprises. Sous couvert de mettre fin au tirage au sort, ce système fait la promotion du recrutement sur profil comme si la poursuite d’études s’apparentait à la recherche d’un emploi. Il institutionnalise une sélection à géométrie variable qui repose sur l’arbitraire de choix locaux voire individuels, incluant toutes les formes de discriminations possibles, notamment le lycée d’origine.

13 000 algorithmes cachés

Dans les universités, chaque commission a fabriqué son propre logiciel pour gérer le flux de candidatures, sur la base de principes aléatoires et d’outils communs fournis par le ministère. Comment départager des milliers de dossiers qui ont tous des moyennes quasi-identiques ? Le gouvernement a fait le choix politique du secret de la procédure. Chacun fait donc comme il veut ou comme il peut !

L’outil d’aide à la décision de Parcoursup permet de faire un classement qui repose sur deux critères quantitatifs fournis par défaut, la moyenne pondérée des notes de contrôle continu du lycée, et la fiche avenir, synthétisant le « profil » du lycéen et sa « capacité à réussir » pour chacun de ses vœux d’orientation. Toute cette procédure de tri est placée sous le sceau du secret des délibérations de jury comme si l’affectation relevait d’un concours ou d’un examen d’entrée. En général, dans une telle situation, les règles, les méthodes et le barème devraient être connus des candidats et distincts de l’évaluation elle-même. Les ministres comme la majorité des députés ont donc fait le choix de la confusion.

Contraire à la CNIL

La garde des Sceaux est allée jusqu’à invoquer la protection des enseignants et l’argument pédagogique pour justifier un régime d’exception sur le traitement des données personnelles dont devrait bénéficier Parcoursup, au mépris de l’avis de la CNIL du 22 mars dernier. Cette délibération rappelait opportunément que l’exception aux règles de transparence accordée à Parcoursup est sans effet, car la loi informatique et libertés et le Règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD) entrant en application le 25 mai dans l’Union européenne, impliquent la communication ou la publication des méthodes de traitement des données auxquelles la loi française ne peut déroger. À ce titre, tout étudiant sera fondé à saisir la CNIL et la justice en cas de litige. Comment comprendre ce culte du secret érigé en norme de recrutement pour l’enseignement supérieur ? Les méthodes de classement seraient-elles inavouables ?

Claire Guéville

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