Le SNES-FSU a réalisé une enquête sur les choix d’orientation des élèves actuellement en Seconde GT.

Un constat massif s’impose : la réforme Blanquer ne remet absolument pas en cause les inégalités sociales de parcours scolaires et les hiérarchies entre ces parcours.

La dernière réforme des lycées généraux et technologiques, en date de 2010 et pilotée par un certain Jean-Michel Blanquer alors directeur général de l’enseignement scolaire (DGESCO), a créé bien plus de problèmes qu’elle n’en a résolus. La réforme que ce même Jean-Michel Blanquer, devenu ministre, veut imposer aujourd’hui en prétendant donner plus de « liberté » aux élèves, consiste en grande partie en la suppression des trois séries générales et leur remplacement par un choix « libre » de disciplines de spécialité dès la Première. En cela, c’est une réforme qui place, en son centre, l’enjeu de l’orientation des élèves.

Pour le SNES-FSU, le principal problème, en termes d’orientation, réside dans le poids de certains déterminismes sociaux (inégalités liées à l’origine sociale, au genre, au niveau scolaire, aux contraintes géographiques…) sur les scolarités, dans un système marqué par des hiérarchies de prestige entre voies et séries. Une réforme pertinente du lycée devrait donc cibler ces problèmes.

Retour déguisé des séries

Les trois spécialités les plus demandées sont les trois disciplines centrales de la série S. Elles sont suivies par deux disciplines qui sont au centre de la série ES (SES et Histoire-géographie, géopolitique et science politique), elles-mêmes suivies par deux disciplines typiques de la série L. On retrouve donc assez nettement, dans la fréquence des vœux de spécialités, les déséquilibres actuels entre les séries S, ES et L. L’absence des mathématiques dans le tronc commun de Première se traduit par une très forte demande de cette discipline en spécialité – mais en l’état, un tiers des élèves du lycée général ne recevrait plus d’enseignement dans cette discipline contre 10 % aujourd’hui.

L’analyse des « triplettes » demandées par les élèves renforce le sentiment de permanence des séries, mais essentiellement la série S. On trouvera des données plus détaillées en ligne, mais on peut dire ici que, n’en déplaise au ministre, les élèves tentent de reconstituer par eux-mêmes les trois séries du lycée actuel – et faut-il le leur reprocher ? Ainsi, alors que les combinaisons possibles sont en très grand nombre, il y a une forte concentration des choix : sur 54 triplettes par lycée en moyenne, seules dix sont choisies par au moins dix élèves dans le lycée (et accueilleraient à elles seules 68 % des élèves). Les 44 autres accueilleraient entre deux et trois élèves chacune… Quelqu’un croit-il sérieusement que de telles contraintes, pour si peu d’élèves, pourraient « tenir » dans les emplois du temps ?

On reproche souvent aux séries du lycée actuel d’être hiérarchisées en termes de « prestige ». Visiblement, la réforme Blanquer ne remet pas en cause ce mécanisme : il suffit, pour le voir, de s’intéresser aux choix des élèves ayant obtenu les meilleurs résultats comparativement aux élèves aux résultats les plus faibles, en supposant que plus une discipline est demandée par les « meilleurs » élèves, plus elle bénéficie d’un prestige important. Résultats ? D’un côté, des disciplines fortement demandées par les « meilleurs » élèves et délaissées par les plus « faibles » (les disciplines scientifiques). De l’autre côté, les disciplines littéraires ou de sciences humaines, nettement plus demandées par les élèves les plus « faibles » que par ceux aux meilleurs résultats.

Sans surprise également, le genre continue de différencier les vœux des élèves. Par exemple, 29 % des filles demandent Humanités, littérature et philosophie, contre seulement 11 % des garçons. À l’inverse, 56 % des garçons demandent Physique-Chimie, contre seulement 42 % des filles… Enfin, le lycée du « libre choix » perpétue le poids des contraintes géographiques : si 15,3 % des élèves demandent la spécialité NSI lorsqu’elle est offerte dans leur lycée, ce chiffre tombe à 2,8 % lorsque la spécialité n’est pas offerte.

Quant aux hiérarchies entre les triplettes, elles sont là encore sans surprise. D’abord, la triplette Maths+PC+SVT se détache de toutes les autres, en étant demandée par 25 % des élèves à elle seule (voir le site). Plus largement, les triplettes « sciences » (trois spécialités parmi maths, PC, SVT, SI, NSI) sont demandées par 30 % des « meilleurs » élèves, contre seulement 6 % des élèves les plus « faibles ». Les triplettes « sans-sciences » sont, elles, demandées par 14,7 % des « meilleurs » élèves, et 30 % des élèves les plus « faibles ». Derrière la diversité des parcours, un lycée de plus en plus ségrégatif ?

Des séries rendues invisibles, et pourtant toujours là : ce résultat ne laisse-t-il pas entendre que le principe des séries reste le moins mauvais, lors­qu’il s’agit de combiner culture commune et spécialisation ? Ce qui n’interdit pas de faire évoluer ces séries. Mais alors, cette réforme serait-elle inoffensive, puisqu’apparemment elle ne change rien ? Au-delà du fait qu’une réforme devrait, en l’occurrence, changer ce qui pose problème, on ne peut oublier que la réforme Blanquer modifie en profondeur le fonctionnement du lycée (en généralisant la concurrence entre disciplines et en affaiblissant la voie technologique) et dégrade les conditions d’enseignement comme la diversité de l’offre de formation (par l’autonomie locale de la gestion de la pénurie – cf. le non-financement des options, par exemple).

Statu quo ou restauration ?

Si donc la réforme Blanquer ne règle aucun problème, et aggrave ceux qui existent déjà, elle donne cependant le sentiment étrange de restaurer, sans le dire, les anciennes séries générales A, B, C, D, E. Celles qui avaient été supprimées en 1993 pour cause de hiérarchisation trop forte. Voilà donc une réforme qui pourrait permettre au lycée général de faire un bond de vingt-cinq ans… en arrière.

Romain Geny

Retrouvez tous les résultats détaillés de cette enquête sur le site du SNES-FSU : www.snes.edu

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