Cette réforme va transformer nos métiers si nous ne contrecarrons pas ces mesures a priori sans rapport mais qui font système.

Au collège, pilotage renforcé par les évaluations standardisées

En plus des évaluations nationales en CP, CE1, Sixième et Seconde, de nouvelles sont prévues à la rentrée 2023 en CM1 et Quatrième. Elles n’apportent rien aux enseignant·es mais elles peuvent aider des chefs d’établissement à imposer un pilotage pédagogique. Aucun moyen spécifique n’est attribué pour des remédiations en effectifs réduits. L’évaluation de l’établissement tous les 5 ans, tout comme le Conseil académique des savoirs fondamentaux (CASF), en feront les bilans. Cette nouvelle instance pilotera la formation continue, organisera les visites des IPR dans les collèges les moins performants et préconisera les « bons » leviers. Les compétences-clés  « lire-écrire-compter » réduits à la fluence, à l’orthographe et au calcul mental –à la base de tous ces tests–, constitueront le nouvel horizon pour les élèves : moins d’ambition pour les apprentissages et les disciplines, mais l’attente explicite de redresser les scores de la France dans les évaluations internationales comme PISA. Sûrement pas au profit des élèves ni de leur appropriation d’une culture commune.  

Les programmes ou des certifications ?

L’attachement des enseignant·es du second degré à leur discipline, au cadre national des programmes et des examens constitue un frein pour aller vers plus de polyvalence des missions et d’adaptation locale. La multiplication des certifications (la toute dernière, « Pix Sixième ») permettra de mesurer les performances des élèves et en creux celles des enseignant·es. Elles concourent aussi à affaiblir les programmes puisque les certifications se substitueront peu à peu aux examens : le DNB a-t-il encore un sens aux côtés d’ Ev@lang, de Pix et Green-Pix (compétences environnementales) et d’une certification en mathématiques en Troisième ?

Une part importante du temps de travail sera occupée à adapter localement les « innovations ». Une autre consacrée au renseignement de différentes applications pour chaque élève : compétences,  comportement, certifications… Chaque élève aura son portefeuille (le port-folio) accessible aux formations qu’il souhaite suivre, voire à des employeurs.

Les disciplines au service des « dispositifs »

En Sixième, la suppression de la technologie laisse entendre qu’une discipline est interchangeable avec n’importe quel dispositif. L’heure d’approfondissement/soutien en mathématiques ou français permettrait désormais à qui le veut, professeurs des écoles ou de toute discipline, d’intervenir au mépris du statut et de la discipline, quitte à rompre la solidarité avec les collègues de technologie qui perdent leur poste. En Cinquième, la demi-journée « découverte des métiers », prise elle aussi sur les enseignements, suivra cette même règle sans que l’on sache à ce jour qui y laissera des heures disciplinaires. Les enseignant·es, polyvalent·es, sont appelés à  intervenir sur des domaines sans rapport avec leur discipline, après une formation rapide, parfois à distance, avec au besoin des fiches Eduscol. Ces domaines d’intervention (parcours, éducation à…) et leur contenu seront révisés régulièrement et donc instables d’une année à l’autre. Précariser les statuts, multiplier les changements pour défaire tout repère structurel et réglementaire sont les leviers du New-management qui fait tant de dégâts.

Le Pacte salarial contre le statut

Pour encourager des collègues à s’engager dans des dispositifs qu’ils réprouvent, le ministre abat une nouvelle carte : des indemnités contractuelles négociées avec le chef d’établissement. Le Pacte constituerait une mesure salariale à l’heure où les rémunérations décrochent, avec la contrainte de se mettre à disposition du chef d’établissement (remplacement en interne, orientation, participation aux dispositifs « innovants »…). Cela ouvre la possibilité de différencier les salaires sur la base d’engagement individuel, le plus souvent à l’encontre du travail collectif, à même de nous détourner du cœur de nos métiers.

Supprimer les concours et précariser le recrutement

Alors que le ministre théorise sur les jeunes collègues qui voudraient s’engager dans nos métiers pour dix ans tout au plus, la Cour des comptes préconise dans un récent rapport la fin des concours de recrutement. À la place, des CDD puis un CDI signés avec un chef d’établissement, idéal pour fixer aux nouveaux collègues des objectifs chiffrés en phase avec les attentes du moment. Avec des vademecum et guides, le chef d’établissement indiquera les bonnes pratiques pédagogiques aux collègues à défaut d’une formation solide et annoncera les critères d’évaluation.

Mais au lycée, le PLE a échoué !

Des proviseurs ont tenté de mettre au pas les enseignant·es sur l’évaluation des élèves en rédigeant des PLE (projets locaux d’évaluation) à l’aide d’un guide d’accompagnement de l’inspection. Le SNES-FSU a organisé la résistance avec les collègues et deux ans plus tard, les PLE rassemble uniquement les principes généraux sur l’évaluation, sans qu’aucune mesure ne pèse véritablement sur la liberté pédagogique.

Résister et dire non

L’accélération des derniers mois devrait rendre la logique d’ensemble visible à tous, au point que le caractère épars des divers éléments et les habituels discours ne la camoufleront plus : l’instauration d’une école préparant essentiellement les élèves à être des travailleurs flexibles, adaptables au marché du travail et aux demandes des entreprises, ayant intégré des normes comportementales et « entrepreneurs d’eux-mêmes » pour les meilleurs. L’idéal d’émancipation ou la formation de citoyen·nes éclairé·es est loin, le besoin de personnels hautement qualifiés, formés et payés aussi. Mais la chute n’est pas écrite : luttons pour nos métiers, nos qualifications, nos salaires avec le même élan solidaire qui nous anime pour défendre nos retraites.

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