Le SNES-FSU, avec de nombreuses associations professionnelles de professeurs de mathématiques et de sciences ont dénoncé depuis longtemps les effets de la réforme du Lycée, inspirée par P. Mathiot et mise en œuvre par J.M. Blanquer sur les enseignements de mathématiques – et les collègues qui les enseignent.
En janvier dernier, les analyses convergentes qu’ils ont portées ont, sous la pression, conduit le ministre à réagir au débat sur la place des mathématiques dans la réforme, et l’ont conduit à confier à un Comité dirigé par P. Mathiot la production d’un nouveau rapport, dans le cadre duquel le SNES-FSU avait été auditionné en février dernier.

La publication du rapport final le 21 mars dernier nous conduit, au delà des coquilles non corrigées qui révèlent l’urgence politique à sa publication, à deux axes principaux d’analyse de son contenu :

  1. Une volonté farouche de défendre la réforme du lycée, tout reconnaissant pour la première fois sans doute certains de ses défauts, et à quel point les mathématiques sont emblématiques de ses méfaits ;
  2. Une volonté de sauvegarder les apparences et de remédier aux critiques, tout en allant encore plus loin dans la logique de la réforme du lycée déjà largement à l’œuvre.

Une nouvelle fois, les mathématiques, et la place qui leur serait faite, sont révélatrices non seulement de la pensée profonde du ministre – et probablement du président-candidat dont les propositions floues ne présentent pour le moment qu’un aspect des choses –, mais aussi des méthodes d’imposition des évolutions dont les professionnels de terrain ne veulent pas pour de bonnes raisons, et dont l’expertise est ainsi très régulièrement niée. Une parfaite synthèse du quinquennat de J.M. Blanquer à la tête du ministère…
Le rapport du Comité est donc en soi bien la preuve que la réforme du lycée actuelle, déjà remarquable par ses effets pervers, doit encore et toujours être « corrigée », et pose la question du nombre de « rustines » qu’il faudra avant que le ministère consente à sa remise à plat totale – ce que souhaite surtout éviter le Comité. Il fait aussi craindre que les replâtrages avancés ne soient que des paravents de choix consistant à continuer d’aggraver les effets sociaux de la réforme du lycée, et aller encore plus loin dans sa logique à l’anglo-saxonne.

I. Un cadre d’observations préalables très orienté

Le rapport Mathiot s’attache dans une longue première partie à des analyses générales d’ordres assez divers, qui ont en commun de poser des problèmes qui ne sont pas toujours ceux que la lettre de mission du Comité pointait et sur lesquels ses propositions étaient attendues …

Sur le niveau général en mathématiques
Le rapport s’attache à démontrer une baisse systémique du niveau des élèves en mathématiques à l’école primaire et au collège, soit avant même l’entrée au lycée des élèves, sur une époque qui court de 1970 à 2010. Il oublie de dire qu’entre temps, le système éducatif s’est considérablement transformé, notamment le collège, et qu’en comparant les performances d’une petite partie des élèves de 1970 et celle de toute une génération en 2010, il serait étonnant qu’il n’y ait pas eu d’évolution du niveau mesuré ! On ne perçoit en revanche pas bien en quoi la réforme du lycée est concernée … Au passage, relevons que les éléments fournis datent quelque peu, et évitent soigneusement la focalisation sur l’absence d’amélioration amenée par la politique ministérielle en amont du lycée, et que le SNES-FSU avait déjà pointée, malgré une communication opportuniste du ministre à l’automne dernier, et que les éléments stabilisés fournis par la DEPP récemment ne corroborent pas.

Sur le niveau général en mathématiques des élèves de Terminale les plus avancés
La focalisation sur ce point, pour répondre à des critiques initialement formulées sur les discriminations sociales et de genre observées en forte hausse depuis la mise en place de la réforme, est pour le moins particulier ! Le rapport choisit d’expédier ces effets, sans les nier complètement, mais en les réduisant habilement en deux phrases, en ne donnant comme seules données genrées celles de 2021 … sans même les comparer à celles des cohortes précédentes. Cela revient à empêcher toute comparaison qui aurait forcément validé les analyses et les critiques portées par le SNES-FSU, et les associations professionnelles, qui ont largement diffusé dans l’opinion publique après leur médiatisation.

Sur les effets en matière d’orientation post-bac : du positif à tout prix !
Parallèlement, le rapport prétend, sur une seule cohorte – qui plus est particulière, puisque impactée par la pandémie au moment des vœux d’orientation post-bac – justifier des bienfaits de la réforme en se focalisant sur les seules poursuites d’études des élèves vers les seules CPGE scientifiques, déplaçant ainsi la focale sur moins de 10% des élèves … quand la lettre de mission du Comité lui demandait « d’apprécier la cohérence entre l’offre d’enseignement de mathématiques au lycée, notamment au cycle terminal, les formations proposées par l’enseignement supérieur et les orientations des élèves ». Le rapport s’attache à développer un véritable plaidoyer pour la réforme, en focalisant sur ses effets sur les élèves les plus avancés en mathématiques – forcément en nombre limité – et par ailleurs à la limite du décelable. Il oublie par contre de regarder en face les effets sur l’ensemble des élèves (et notamment celles et ceux qui ont arrêté les mathématiques avant la Terminale, à quelque niveau que ce soit), ou qui ont choisit des formules hybrides, notamment avec le suivi de l’option Mathématiques complémentaires.

Sur le « malaise » des professeurs de mathématiques
Bien que cet aspect de la réforme ne soit pas dans la commande adressée au Comité, il prend la peine d’un développement essentiellement basé sur l’enquête de la DEPP de l’automne 2021 sur les effets de la réforme sur les services des enseignants, notamment de mathématiques. Il passe bien entendu sous silence les près de 1.900 suppressions de postes qu’elle a occasionnées, et qui ont pourtant largement déstabilisé les équipes et les collègues. Le rapport reconnaît toutefois l’explosion du nombre de « classes » – mais avec la réforme, quel sens donne-t-il à ce concept ? – dans lesquels les collègues interviennent (de 4,9 classes en 2018 à 7,6 en 2020), tout en pointant la baisse du nombre d’HS assurées par les professeurs de mathématiques, dont il explique qu’elle « participe de leur inquiétude ». Personne ne nie « l’inquiétude » sur les rémunérations, mais il est quand même difficile de parler d’inquiétude quand la charge de travail se trouve allégée … sauf à considérer que la pleine réalisation professionnelle des professeurs de mathématiques passe par davantage de travail, quand il faudrait surtout de meilleures rémunérations et des effectifs allégés !

L’art d’envisager les questions qui n’ont pas été posées…
En choisissant de tels cadres d’analyse et d’observation, le Comité ne pouvait pas vraiment répondre aux problématiques soulevées par le débat public … Mais il tente au passage un plaidoyer pour une réforme dont les effets pervers sont indéniables, sans en questionner les postulats par ailleurs revendiqués (et notamment l’idée que de nombreux élèves suivaient les mathématiques par contrainte, sans en retirer un quelconque avantage, mais une profonde démotivation). Il formule des recommandations sur les viviers d’élèves possédant une bonne connaissance des mathématiques, que personne n’avait réellement mis en avant, à part peut-être quelques grands industriels et écoles de commerce, rejoints depuis par les Sociétés savantes de Sciences, mais qui ne faisaient aucunement partie des commandes ministérielles.

II. Des propositions diverses et en clair-obscur,
qui visent aussi à conforter l’émergence d’une élite mathématique.

Le rapport propose des mesures de divers ordres :

  • Une évolution de l’enseignement scientifique
    En Première uniquement, cet enseignement deviendrait un « Enseignement scientifique et mathématiques » avec un horaire porté à 3h30 ou 4h hebdomadaires, dont 1h30 ou 2h de mathématiques clairement fléchées, développant un programme de « mathématiques pour tous ». Il serait réservé en 2022-23 aux seuls élèves ne suivant pas la spécialité Mathématiques, avant de peut-être concerner tous les élèves à partir de la rentrée 2023 : ce dernier point n’est pas tranché par le rapport. Il n’est pour le moment pas question de toucher à l’enseignement scientifique de Terminale, qui, s’il contient sans doute davantage de mathématiques que celui de Première (après les premières protestations, le tir avait été en partie rectifié lors de l’élaboration des programmes), n’est pas non plus exempt de reproches.
    Le principal problème est, à ce stade, technique : les ventilations de moyens étant faites, quelle sera la rallonge, s’il y en a une, pour dégager ces heures, probablement effectuées uniquement en HS ? Trouvera-t-on assez de professeurs pour cela ? Le Comité suggère que le programme de cette partie mathématique permette de s’assurer de la maîtrise « aussi bien des techniques mathématiques de base que des outils indispensables à la modélisation élémentaire des phénomène quantitatifs, qu’ils relèvent des statistiques, des probabilités ou de l’analyse ».
    On peut sûrement y lire le triptyque « suites, probabilités, fonctions », mais faut-il s’attendre à une partie « automatismes » inspirée de la voie technologique ? Le programme de l’actuel Enseignement scientifique serait étendu par rapport à l’actuel programme, pour « redonner aux mathématiques la place de langage commun des sciences ». L’objectif affiché semble surtout être de permettre aux élèves ayant suivi cet enseignement de mathématiques de poursuivre en option Mathématiques complémentaires en Terminale.
    Pour le SNES-FSU, il y a toutefois un risque de voir la spécialité Mathématiques de Première se vider au profit de ce « parcours » qui ressemble de plus en plus à une filière (!), mais nettement moins chère à financer, et nettement moins approfondie au plan mathématique que l’ancienne ES. Un tel transfert pourrait réduire les moyens supplémentaires au financement de cette extension de l’Enseignement scientifique, par simple redéploiement. Au-delà, cela reviendrait encore à spécialiser davantage d’élèves encore plus tôt, dès la fin de la Seconde, sans réellement leur ouvrir plus largement des poursuites d’études scientifiques à davantage d’élèves, alors que le rapport affiche des ambitions en la matière.
  • Une évolution des programmes
    Il s’agirait notamment de mieux articuler le programme de Spécialité Mathématiques de Première, probablement pour y faire glisser les notions abordée dans ce cadre. Pour le SNES-FSU, cela pourrait permettre de libérer du temps pour les élèves suivant la spécialité, et favorise leur réussite, ce qui serait une bonne chose. Il faudra toutefois veiller à ce que le programme de Spécialité ne dérive par vers davantage d’exigences, ce qui finirait de cliver les choix des élèves et renforcerait probablement les inégalités de genre et sociales déjà bien trop largement à l’œuvre. . Le rapport ouvre de ce point de vue des pistes floues, notamment en intégrant des éléments de réflexion sur les « prolongements » des programmes actuels : seront-ils supprimés ? bornés ? amplifiés ? en partie obligatoires ? La réponse à cette question dévoilera la vision de fond du gouvernement quant à l’évolution de la réforme du lycée en ce qui concerne les mathématiques…
    Le programme de Seconde serait lui aussi retouché, sans doute pour déporter certains apprentissages vers l’enseignement scientifique et mathématiques. Pour le SNES-FSU, l’enjeu sera en effet de parvenir à articuler la double exigence pointée par le rapport : consolider les acquis de collège (et nous doutons fortement de l’intérêt des évaluations de début de Seconde sur lesquelles il sera visiblement préconisé de s’appuyer), et permettre une poursuite de scolarité réussie en mathématiques en Première, notamment, mais pas seulement, dans le cadre de la spécialité.
  • Un accroissement du nombre de filles en Mathématiques expertes
    Pour répondre à une (toute petite) part des critiques ayant amenées à sa saisine, le Comité rappelle l’objectif national d’avoir 10.000 filles en plus suivant cette option, pour y arriver à une proportion de … 40% de filles, c’est à dire un peu moins que dans l’ancienne spécialité Mathématiques (42% en moyenne sur les 3 dernières années de son existence). Cet objectif, s’il est atteint, permettrait de renforcer les poursuites d’études d’un plus grand nombre d’élèves vers des parcours d’excellence, au prix d’une plus grande exigence dans les performances des filles.
    Les outils suggérés en creux (mais qui recoupent des propos préalables) pour y parvenir sont toutefois éclairants sur la logique de fond de la réforme du lycée : un renvoi total au local, avec une forme d’instauration de quota (4 filles par établissement à convaincre de suivre cet enseignement optionnel, dont il faut rappeler qu’il n’est pas spécifiquement financé) ; une formation continue renforcées des professeurs ; des opérations de communication …, soit peu de choses au final. A aucun moment cependant le problème du décrochage brutal du nombre de filles suivant plus de 3h hebdomadaires de mathématiques n’est abordé…
    Le nouveau schéma de formation envisagé par le Comité crée un nouveau parcours, de la Seconde à la Terminale, dans lequel l’élève conserve des mathématiques, dont le débouché est l’option de Mathématiques complémentaires ; instaure au moins 1h30 à 2h de mathématiques « garanties » en Première pour toutes et tous. Une interrogation demeure toutefois sur la possibilité de faire de cet enseignement un enseignement réellement commun, ou seulement destiné aux élèves ne choisissant pas la spécialité Mathématiques en Première. Pour autant, il ne règle pas la question des élèves qui arrêtent les mathématiques avant la fin du lycée.
Enseignements de mathématiques au lycée suivant le parcours des élèves
(les propositions nouvelles du Comité sont en vert, les possibilités envisagées mais non tranchées en pointillés)
  • Une évolution des programmes
    Il s’agirait notamment de Une modification de l’évaluation : le rapport un double mouvement : la prise en compte des mathématiques dans le contrôle continu, rendu possible par l’évolution de l’Enseignement scientifique, et la diversification des modalités d’évaluation de l’enseignement scientifique, tout en restant dans le cadre de la Banque nationale des sujets (!). Bref, c’est pour le moins flou, et surtout, très probablement contradictoire par bien des aspects.
  • Une « nouvelle dynamique » donnée à la formation et à la pédagogie des collègues
    Le rapport renoue là avec les premières recommandations d’ajustements formulées de la réforme du lycée, en appelant à la constitution de « groupes de compétences » (pour ne pas dire « de niveau »), mais en l’assortissant d’initiatives visant à développer un travail collectif qui n’est nullement reconnu dans les statuts : travail entre pairs, groupes de réflexion disciplinaires, travail pluridisciplinaire « sur temps identifiés » (quand ?), « co-intervention » (quand ? comment ?), notamment par le biais du retour des « laboratoires de mathématiques » déjà avancés il y a plus de 10 ans et qui ne se sont jamais concrétisés. Le Comité espère par là renforcer la réussite des élèves, sans revenir sur la politique qui a découlé du plan Villani-Torossian et consistant, au lycée, à engager des moyens supplémentaires au profit des élèves qui réussissent déjà le mieux (passage de 2h de Spécialité mathématiques en Terminale à 3h en Mathématiques expertes). ce serait le renforcement de la logique que concrétisait la réforme du lycée : n’investir réellement dans l’enseignement des mathématiques qu’au profit des élèves susceptibles de former une élite mathématique de meilleur niveau.
    Conscient de la limitation des moyens disponibles, et n’envisageant pas d’en proposer de nouveaux, le Comité se borne à indiquer que ces mesures ont un coût, qui va vite se heurter aux besoins en Français (soit les « fondamentaux », les autres disciplines n’existant visiblement pas dans la vision du Comité).
    Cette dynamique pourrait être soutenue par des « Assises nationales des Mathématiques » en 2022-2023, afin possiblement d’importer en France au moyen d’un « Grand débat » les pratiques d’autres pays : faut-il s’attendre à y voir surgir la méthode de Singapour, déjà questionnée par la commission Torossian-Villani à l’hiver 2018 ? En tout cas, en ciblant explicitement et uniquement le Second degré dans cette démarche, difficile de ne pas y voir une volonté de prolonger la mise en œuvre du plan Torossian-Villani qui concerne pour le moment essentiellement le 1er degré. Difficile aussi de ne pas voir arriver dans le débat des prescripteurs inhabituels, qui se sont déjà positionnés depuis le début 2022 : une tribune d’industriels majeurs du CAC 40, rendue publique début avril, appuie ainsi les propositions du président-candidat et sert leurs intérêts propres en cherchant à peser sur de possibles évolutions de la réforme du lycée. Une partie d’entre eux avaient d’ailleurs déjà signé une première tribune qui allait dans le même sens en janvier, ce qui démontre le poids que prennent désormais les employeurs dans la définition des politiques publiques d’éducation, de plus en plus pensées comme formation en adéquation avec leur besoins RH au détriment de la logique de formation de citoyens éclairés. Décidément, là aussi, le débat sur les mathématiques au lycée n’est que le révélateur sans ambiguïté des orientations à l’œuvre depuis au moins 5 ans….
Enseignements de mathématiques au lycée suivant le parcours des élèves, avec flux approximatifs actuels en violet. Les propositions nouvelles du Comité sont en vert, les possibilités envisagées mais non tranchées en pointillés.

Cette liste de propositions renoue avec de vielles recettes qui n’ont jamais été appliquées car bien souvent inapplicables, montre la ferme volonté de peser sur les métiers enseignants, voire de les transformer assez radicalement, tout en dénotant en creux au passage tout le bien que le Comité semble penser du travail actuellement mené par les professeurs de mathématiques…

Le Comité écarte par ailleurs un certain nombre de pistes :

  • la demande du SNES-FSU du maintien des trois spécialités en Terminale. Bien qu’il s’en défendre, son argumentation repose sur la volonté de ne pas dénaturer la réforme – preuve si besoin en était que le débat sur la place des mathématiques va bien au-delà de la seule question disciplinaire, comme nous l’avons toujours défendu – et de sauvegarder 6h d’enseignement de spécialité en Terminale, sans surcharger les élèves et … de ne pas revenir sur la question budgétaire non plus, en en parlant jamais !
  • le renforcement de l’horaire de l’Enseignement scientifique de Terminale, pour les mêmes raisons, mais plaide pour des possibilités de dédoublements … que le financement actuel de la réforme rend pratiquement impossibles !
  • la possibilité de deux Spécialités Mathématiques en Première, ce qui est, pour le SNES-FSU, raisonnable d’une part vu les effets de l’introduction de la Spécialité Anglais Monde Contemporain – qui a partout vidé la Spécialité LLCE Anglais de ses effectifs en à peine deux rentrées –, et d’autre part en faisant clairement courir le risque d’avoir des biais de genre et sociaux accentués – comme le montrent les répartitions déjà observées entre la Spécialité Mathématiques de Terminale et l’option Mathématiques complémentaires (la première étant devenue, en deux ans à peine, la Spécialité des garçons de milieux (très) favorisés, la seconde le parcours des filles de milieux un peu moins favorisés…).
  • la création d’une option « Mathématiques complémentaires » en Première, dont on apprend au passage qu’elle existe dans certains établissements … privés ! ce qui montre bien la manière dont la réforme permet à ce réseau de proposer des parcours plus attractifs pour les publics déjà les plus favorisés socialement, et renforce la ségrégation scolaire, en développant une attractivité forte, et une sélection accrue, auprès des milieux les plus informés et les plus enclins à refuser la carte scolaire.

III. Des points d’attention qui sous-tendent des orientations toujours lourdes de sens

Le rapport du Comité conclut par la formulation de 4 « points d’attention », qui donnent toute la mesure des difficultés posées par la réforme du lycée. Pour autant, les pilotes du Comité se refusent pourtant toujours à sa remise à plat, que la logique la plus élémentaire commanderait.

Ces points de vigilance sont :

  • Des marges de manœuvre insuffisantes compte tenu des moyens alloués aux lycées : le Comité reconnaît la disparition des 54 heures d’accompagnement à l’orientation – heures qui n’ont jamais été réellement financées et que les lycées doivent dégager sur leurs « marges horaires » … largement en cours de réduction depuis la mise en place de la réforme. Il reconnaît en outre que la diversité des Enseignements de spécialité existants est tellement mal financée que la seule option préconisée est de réduire les 364 combinaisons théoriques (on est passé de 220 à 364 avec l’ajout des spécialités EPS et Anglais Monde Contemporain aux 12 initialement proposées) à … 20 combinaisons ! Le rapport ne le chiffre pas – et pour cause ! – mais cela signifie qu’il recommande de proposer 6 Spécialités par établissement, là où le ministère en a imposé initialement 7 obligatoires dans tous les lycées publics. La réduction de l’offre de formation n’est même plus niée : elle est désormais encouragée, pour se rapprocher des choix des lycées privés qui ont bien souvent réduit les choix de Spécialités, leur donnant un avantage concurrentiel très significatif avec des possibilités accrues de dédoublement, en les dédouanant de l’obligation d’une carte des formation proposant, au moins par bassin, l’ensemble des Spécialités. Se posent alors toutes les problématiques liées à la carte des formations sur un territoire donné, et la survie de certains enseignements plus rares, comme SI et LCA, déjà très malmenés par la réforme, ou NSI, tellement à la mode… et largement abandonné en Terminale. Derrière l’affichage du libre choix des élèves pointe désormais la dure réalité du sous-financement, que le Comité reconnaît en creux …
  • Le non-financement des deux options mathématiques de Terminale, qui inquiète le Comité (il serait temps !), qui l’amène à proposer leur regroupement (?) sous un même intitulé, ou leur différentiation sous … la même appellation (coquille évidente du rapport, et mystère insoluble à nos yeux !). Visiblement, le Comité n’a pas vraiment travaillé le sujet, même s’il reconnaît, à travers ces options et pour la première fois sans doute, des difficultés réelles de financement, notamment dans les lycées à petits et moyens effectifs, c’est-à-dire une réelle disparité dans le traitement des établissements.
  • l’accompagnement insuffisant en termes de formation à la réforme des professeurs de mathématiques et aux enjeux didactiques propres à la discipline.
  • la conception du lycée général comme antichambre tubulaire du supérieur : le Comité poursuit là, et souhaite renforcer, la logique de développement du Bac – 3 / Bac + 3, qui organise aussi le tri social et de genre des futurs étudiants dès le lycée, tout en reconnaissant au passage l’impossibilité constatée de l’enseignement supérieur de s’adapter aux parcours désormais « à trous » des élèves (notamment faute de financements, ce dont ne parle pas le rapport), et justifiant au passage le développement des PPPE (Parcours Préparatoires Au Professorat des Ecoles) comme filières tubulaires d’accès au métier de professeur des Ecoles – que la FSU rejette par ailleurs, et dont l’adossement exclusif à des licences de Lettres ou de Mathématiques réduit drastiquement le vivier et la diversité des profils des candidats – ou le détournement des « colles » de CPGE en dispositif de remise à niveau d’urgence … une nouvelle fois réservé à un faible nombre d’élèves, déjà les plus en réussite.

IV. Et maintenant, quelles suites ?

Après la remise du rapport le 21 mars dernier, J.M. Blanquer s’est réfugié derrière la « période de réserve » des ministres liée à la fin de la campagne présidentielle. Un paravent commode pour éviter de relancer publiquement les débats sur les mathématiques en voie générale du lycée … même si des prises de positions publiques ont eu lieu. Le rapport du Comité Mathiot reste toute fois un puissant guide d’évolutions de la réforme du lycée pour le prochain ministre : si rien n’est écrit, rien n’est impossible, et il serait dangereux de considérer que le paravent de la meure-phare de l’introduction d’un enseignement spécifique de mathématiques au sein de l’enseignement scientifique ne masque pas, aussi, de nouvelles dérives possibles de la réforme.
Le SNES-FSU continuera en tout cas pour sa part de porter l’exigence de réintroduction d’un tronc commun de mathématiques, jusqu’à la Terminale et pour tous les élèves, dans le cadre de son mandat de construction d’une culture commune jusqu’au baccalauréat.


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