Bref bilan des réformes dans l’éducation nationale et dans l’enseignement supérieur

La loi Fillon (2005) et la réforme Chatel (2010) qui en a découlé ont entraîné une baisse de la qualité de l’enseignement (développement des compétences, avec la mise en place notamment du socle commun, au mépris des contenus disciplinaires, baisse du nombre d’heures de cours, augmentation du nombre d’élèves par classe), une augmentation des inégalités entre établissements (30% de la DHG varie d’un établissement à l’autre, fin du cadrage national des dédoublements, organisations à géométrie variable de l’AP, des enseignements d’exploration et marche à l’éclatement du groupe « classe ») et une augmentation de la charge de travail des enseignants (+ 4 heures hors- enseignement/semaine, en huit ans d’après le ministère).

La loi Peillon de refondation de l’école, publiée en juillet 2013, conserve tout cela et poursuit le processus : développement encore plus important des compétences, des formations « numériques », copilotage des établissements et des enseignements avec les collectivités territoriales (via les Projet Éducatifs Territoriaux et contrat d’objectifs tripartites). De plus, le « référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation » publié cet été redéfinit le métier en terme de compétences ; Peillon a déjà engagé la réforme du Capes (l’évaluation du contenu disciplinaire ne compte plus que pour 20-30 % de la note finale), et par ailleurs de lourdes menaces pèsent sur l’agrégation.

A l’Université, les réformes LMD (2002), la LRU (autonomie des établissements, 2007) et l’arrêté licence (2011) sont à l’origine de la situation actuelle : les financements varient d’une université à l’autre (certaines sont au bord de la faillite), les enseignements, programmes et moyens varient entre deux universités, la valeur nationale des licences n’existe plus dans les faits.

La loi Fioraso des Universités (2013) conserve tout cela et poursuit le processus : les diplômes ne sont plus habilités par l’État ; chaque université accréditée délivrera ses diplômes ; les régions participeront à l’élaboration des cursus via les contrats pluriannuels. En outre, les voies post-bac situées jusqu’alors dans les lycées (STS et CPGE) et relevant de l’Éducation nationale doivent permettre la « mise en œuvre d’enseignement commun aux formations » entre ces lycées et l’Université ; jusqu’alors gratuite, ces voies deviennent payantes.

C’est dans ce contexte qu’a été annoncée la refonte des statuts des enseignants, de la maternelle à l’université. Toutes les mesures présentées possèdent des dénominateurs communs : augmentation du temps de travail des enseignants (multiplication des missions obligatoires permise notamment par une annualisation, augmentation du nombre d’heures de cours pour les enseignants à temps complet en STS et CPGE et pour les enseignants-chercheurs), dénaturation du métier d’enseignant (encore moins d’enseignement disciplinaire, développement accru des compétences, d’ « activités »), individualisation des obligations de service et perte de libertés pédagogiques (attribution et contrôle par le chef d’établissement de tâches variables d’un enseignant à l’autre, rôle de pilotage pédagogique des directeurs d’école, hiérarchie entre enseignants, co-pilotage des établissement par les collectivités territoriales), voire baisse de salaire.

Les dangers d’une demande de statut spécifique

* Isolement : le gouvernement a été mis en difficulté par la mobilisation des enseignants de CPGE car….celle-ci a alerté nombre d’enseignants hors CPGE, notamment en lycée, qui s’apprêtaient également à se mettre en mouvement : 380 000 enseignants dans l’éducation nationale publique sont en mesure d’effrayer bien plus le gouvernement que 8000 enseignants de CPGE. Pour éviter que le mouvement ne reprenne, le gouvernement peut choisir de confectionner un « statut » spécifique pour les enseignants de CPGE (« parfait », on peut rêver). Cela permet d’isoler immédiatement les enseignants de CPGE, et de réformer facilement, un peu plus tard et si besoin, ce nouveau statut : les 8000 enseignants de CPGE seront cette fois-ci bien seuls. La demande de statut spécifique revient, dans le contexte actuel à isoler un petit groupe d’enseignants…pour mieux les étouffer.

* Alignement par le bas avec l’université : dans le contexte actuel d’une volonté d’aligner les CPGE sur les filières universitaires dites d’excellence, la coupure entre le statut des enseignants de collège-lycée et de CPGE ouvre la voie à un alignement du statut des enseignants de CPGE sur celui des enseignants à l’université (qui sont annualisés et soumis à de multiples taches administratives, d’orientation et d’insertion professionnelles des étudiants…). Comment les enseignants de CPGE pourraient-ils, à 8000, échapper à ce processus ?

*Une menace accrue sur les statuts de 1950 et l’enseignement disciplinaire : La définition du métier en heures d’enseignements disciplinaires repose sur les décrets de 1950. Les dernières réformes sur l’école ont notamment amoindri (de façon inégale entre le collège, le lycée et le post-bac ) et vont encore amoindrir le contenu disciplinaire des enseignements ; les réformes des concours vont dans le même sens. Le maintien des statuts de 1950 entrave ce processus ; le projet de refonte des statuts l’accentuera : l’introduction des missions obligatoires (contrôlées par le chef d’établissement, voire les collectivités territoriales) individualisera à outrance les ORS et introduira de nouvelles obligations qui diminueront la qualité des enseignements disciplinaires. Demander, pour les enseignants de CPGE, un statut spécifique qui leur permette de conserver les acquis du statut d’agrégé est ainsi illusoire car c’est l’ensemble du statut d’agrégé qui est aujourd’hui menacé, par l’introduction de ces missions. Défendre la qualité des enseignements en CPGE passe par la défense de la qualité des enseignements en pré-bac et donc par la défense du métier d’enseignant (et donc du statut), à tous les niveaux. Et plus le statut (et donc le métier) sera commun à tous les enseignants, plus ils seront à même de le défendre. Rappelons que la dénaturation du métier en collège, la dégradation des conditions de travail dans nombre d’établissements, n’a pas été voulue par les enseignants ; et elle est le fruit des dernières réformes (Fillon et Chatel, avec notamment l’introduction du socle commun).

Au vue de certaines aberrations de la situation des enseignants de CPGE (obligation notamment de faire nombre d’HSA), la demande d’un statut spécifique pourrait paraître légitime. Mais la situation actuelle dans l’éducation nationale et les réformes prévues nous montrent à quel point une telle demande est dangereuse.

Quel statut devons nous défendre ?

*Quels sont les avantages de l’actuel statut ? Malgré la diversité sur le terrain, tous les enseignants ont un statut national : service défini en terme de maxima d’heures d’enseignement disciplinaire et hebdomadaire (avec heures de décharges réglementées nationalement). Une base que l’on peut défendre et qui unifie les enseignants.

*Peut-on améliorer le statut actuel en améliorant les décrets de1950 ? Plein d’idées fusent : limitation du nombre d’HSA (avec augmentation du point d’indice), du nombre d’élèves/classe (seuils) ; rayer les majorations de services (ou abandonner la réforme Chatel qui les a développées en faisant disparaître le terme national de « classe dédoublée »)… Mais est-ce vraiment la volonté du ministre, peut-on obtenir des améliorations sans exiger en premier lieu le retrait définitif du projet actuel ?

*Peut-on améliorer le projet Peillon ? La dégradation des conditions de travail n’est pas due à un « mauvais » statut mais aux réformes précédentes et à la suppression de postes. Rappelons que Fillon a mis en place en 2005 une loi qui accentue la décentralisation et l’autonomie des établissements. Mais cette loi n’a pu être appliquée jusqu’au bout car face aux résistances, le décret de Robien modifiant les statuts (publié en 2007) a du être abrogé. En 2013, même début de scénario : en juillet, Peillon faisait voter une nouvelle loi accentuant la décentralisation de l’école ; en novembre, il présentait sa refonte des statuts. Comme en 2007, cette refonte et les concertations en cours s’inscrivent dans le cadre d’une loi accentuant la décentralisation. Le combat contre cette décentralisation (loi Peillon de juillet 2013) passe donc en premier lieu par le combat contre le projet de refonte des statuts.

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